lundi 22 mars 2010

Maison de plâtre

 La maison semble avoir été le siège d’un attentat. Je regarde autour de moi, et il me semble qu’il n’y a que des débris. C’est mon fils qui a été sous les vapeurs de la morphine, mais c’est moi qui nage dans le brouillard. Du haut de ses quatorze ans, il se remet dramatiquement du choc de son accident de ski, la mémoire venant chatouiller le fil perdu de l’événement. Tellement soulagé d’une douleur assaillante, il se sent revivre. Quant à moi, le scénario ne cesse de tourner dans ma tête, et je le réécris inlassablement, version de plus en plus améliorée, jusqu’à revenir sur la planète terre.


J’ai l’impression de revivre quelques années antérieures de ma maternité : le bain à préparer, le lavage des cheveux, l’habillage, les rendez-vous à planifier. Cette époque où l’espace-temps est centré sur l’enfant, les dangers, les soins. Les derniers jours, chaque fois où j’allais remuer ses doigts, la nuit, dans le but de limiter les dégâts de la contusion, je retrouvais cette vulnérabilité qu’on met au monde. Je prenais conscience de notre fragilité, notre prêt de vie, sans garantie.


Étonnamment, je profite à plein de ces retrouvailles, ce cocon de tendresse et d’amour qui n’a plus vraiment cette forme à l’adolescence. Nous sommes à nous remettre au quotidien, trouver une vitesse de croisière entre l’école qui reprendra et les rendez-vous à l’hôpital Ste-Justine, afin de nous assurer qu’il n’aura pas besoin d’une chirurgie avec artillerie lourde. Pour ce qui est de moi, je me remets au clavier, tremblotante comme si ça faisait des siècles que j’avais écrit, mais avec une nouvelle conscience. En quelques jours seulement, tout peut basculer. Ça me rappelle de profiter avec un grand P. Et lorsque tout sera revenu à la normale, comme humain, évidemment on sera détaché de l’émotion, et on rangera cet épisode dans le grenier de nos souvenirs de famille…

Je pense avec compassion à tous les parents d’enfants malades qui ont les entrailles broyées d’impuissance, qui squattent dans les salles d’urgence des hôpitaux, qui ne se nourrissent que d’espoir d’un jour meilleur. On a beau grogner contre le temps d’attente de notre système de santé, lorsque de grands spécialistes sont au chevet de notre enfant, qu’on a seulement un bout de plastique à remettre en échange, on constate le privilège d’être ici, avec tous ces talents et l’art en perfusion.

Nos voisins américains goûteront peu à peu cette innommable sécurité. Monsieur Obama, vous êtes béni par tous les parents du monde.

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