mardi 23 mars 2010

Courageux, le fils

 Je n’ai pas beaucoup dormi la nuit dernière, inquiète de l’état des radius et cubitus accidentés et « replacés » sous le plâtre de mon fils. Le suivi avec les orthopédistes nous annoncerait, à la lumière des radiations, la route à suivre. Devrait-il opérer et installer des tiges? L’idée d’une autre anesthésie et ses suites ne me réjouissait guère, évidemment, mais je me répétais, tel un mantra, qu’on traverse le pont lorsqu’on arrive à la rivière, dixit le dicton.


Les préparatifs pour se rendre au rendez-vous ont été plus laborieux ce matin. C’est fou ce qu’il est impossible de faire avec un seul bras : quelqu’un doit laver les cheveux, préparer un bain, installer le kit pour mettre le bras up on the air, mettre les bas, souliers, manteau. Pour ce qui est de moi, j’ai consacré quelques minutes de plus pour être coquette, ou plutôt pour paraître tenir la situation bien en main, avec un air plus serein que vendredi dernier, dans le but caché de garder le moral. (C’est écrit dans les magazines que notre apparence influence notre état d’humeur.) Ce n’était pas dur à battre comme record, avec l’allure de parent détraqué d’angoisse que j’arborais il y a quelques jours dans la salle d’urgence d’hôpital. Vous ai-je dit que je suis persuadée, convaincue au centuple que je n’ai pas raté ma vocation en milieu médical?


Toujours est-il que, malgré la mise en scène judicieusement orchestrée, rien ne s’est produit comme prévu. Les os brisés, indisciplinés, s’étaient déplacés. Les médecins devaient donc faire une ouverture dans une partie du plâtre, replacer les os, installer un wedge, et refaire un plâtre. Juste à entendre les orthopédistes discuter du « cas » devant nous, mon fils a blêmi, et il m’a semblé soudainement avoir été inséré dans un four à 550 degrés. Je croyais qu’on rêvait d’indépendance et d’autonomie à quatorze ans. Erreur. Pas lorsqu’on "jargonne" pour une histoire de réalignement osseux et de wedge. Il tenait à ce que j’assiste. De concert avec le bruit de la scie, j’ai commencé à piétiner à ses côtés, chargé de tout l’équipement requis pour faire du camping. La palette de couleurs de mon visage ne devait pas faire partie de leur critère, car ils m’ont fait m'étendre dans la salle adjacente. J’étais outrée de ma vocation ratée.

Le pire était à venir. Mon cerveau a déraillé et a catapulté des idées aussi saugrenues les unes que les autres : j’avais oublié de coordonner mes sous-vêtements, — soutien-gorge rouge à pois blancs et petite culotte rose fifille—. S’il fallait qu’on m’examine! Je me suis remise en position assise immédiatement, de façon à garder la tête haute, jusqu’à m’apercevoir dans la glace. Des stries noires avaient maquillé mes joues, après que nous eûmes utilisé des gouttes pour les yeux irrités, chéchés, juste avant d’entrer dans la salle douze. L’horreur! Nous avions justement remarqué, mon fils et moi, à quel point les parents semblaient épuisés de tous ces membres fracturés, des douleurs, des nuits blanches à prendre soin. À ce stade, j’avais l’air de sortir directement du bloc opératoire, alors que c’est mon fils qui traversait l’épreuve. Quelle mère, me suis-je dit.

Les orthopédistes sont revenus vers moi, avec mon courageux fils, os replacés, prise deux, et le technicien champion du wedge, ricanant et s’amusant à mes dépens. Quatre contre une. Le rire a ses vertus. L’humilité aussi. Nous avons une semaine de sursis, encore, avant de savoir ce qu’il adviendra de ces os récalcitrants. Cette fois-là, je vous jure, je prendrai en charge toute l’équipe, sans vertiges ni bouffées de chaleur.

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