mardi 25 mai 2010

Au pays des hélicos

Il ne reste qu’une cinquantaine de pages de Katherine Pancol à lire. J’ai mis la machine à off, incapable de supporter, pour l’instant, l’idée de quitter Joséphine et son livre à écrire, Hortense et son opération de résistance face à Gary, savoir si son venin la dévorera.


Je suis devenue Joséphine, l’espace de huit cents pages. Son livre à écrire, l’exigence de l’écriture, toutes les tâches de la vie qui se liguent contre les premiers mots sur la page et risquent de faire dissoudre l’idée et les personnages.

« Tu ne sais pas, Zoé, ce que ça veut dire “écrire”. Ça veut dire donner toutes ses forces, tout son temps, toute son attention à une seule chose. Y penser tout le temps. Ne pas être interrompue, une seule seconde, par quelque chose d’autre… Ce n’est pas être inspirée soudain et jeter quelques notes sur le papier, ça veut dire travailler, travailler, travailler, semer les idées, attendre qu’elles poussent et ne les récolter que lorsqu’elles sont prêtes. Pas avant parce que sinon tu arraches la racine, pas après parce qu’elles sont fanées. »

Pendant le week-end, catapultée par le soleil des Antilles, je tentais de faire une beauté sur notre terrain, en réfléchissant à mes personnages. À quatre pattes à faire la guerre aux mauvaises herbes, aux branches et feuilles gisant au sol, je réfléchissais à Joséphine -et Katherine- me disant que j’aurais aimé écrire ce roman dans un roman. Mes ados se prélassaient dans la piscine, osant lever le nez hors de l’eau que pour demander ce qu’on mangerait. Pendant que je suais à perdre quelques picots de cellulite, des milliers d’hélicos recouvraient mes plates-bandes, fraîchement binées. Une pluie d’hélicos, tels des confettis festoyant un mariage. Des milliers de samares. Je vis au pays des samares.
Et les écureuils, pas tristes du tout comme à Central Park, chahutaient dans les arbres centenaires, chassant les merles, ou l’inverse, et, du coup, une autre pluie d’hélicos. Des millions d’hélicos. Des tas d'écureuils, ces rats déguisés de fourrure, qui vampirisent les nids d'oiseaux.

- On a-tu des fudges, des pops, des drumsticks?

Je me demandais quel genre d’été ce serait, avec la vie d’ados branchés sur les textos, les iPod, les grands pieds, les serviettes partout sur la cour, le comptoir rempli de leur passage, les répliques à la hauteur d’un doctorat en droit international portant sur la Charte des libertés. Plutôt que de me laisser fracasser par la colère, cette réflexion m’a encouragée à dresser une liste des tâches quotidiennes obligatoires, même si mon benjamin de quatorze, bientôt quinze ans, me répète que c’est la job du parent. Comment ai-je pu lui transmettre une mentalité pareille?

Et puis Colette est venue : « Écrire comme personne avec des mots de tout le monde ». Écrire avec des mots de maman, des mots d’histoire de famille, des mots de vacances, des mots de pains et des odeurs de cuisine, des mots rosés avec des amis, des mots de sorties d’amoureux à la volée. Ce sont les mots qui m’habiteront cet été, avec une salade niçoise. Je suis rassurée. Et la preuve ultime, des papillons se posent sur mes arbres fleuris. Je suis comblée.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire