vendredi 14 mai 2010

Dans un café de Vienne

Je vous écris de ce magnifique café de Vienne, le Palmenhaus. J’en ai cherché un à Prague, mais j’ai craqué devant celui-ci. N’est-ce pas magnifique? Je suis lovée tout au fond, sous un arbre. J’ai même osé m’offrir un double cappucino. Le serveur est en pâmoison devant les Canadiens, surtout les Canadiennes, étant venu visiter nos Indiens, nos plumes et notre danse de l’orignal, il y a de cela cinq années.



N’eût été que de lui, il aurait choisi de prendre racine chez nous, sauf que le personnel de l’immigration n’était pas du même avis. Il ne remplissait pas les conditions. Trop scolarisé, trop beau, trop travaillant. Du coup, il aurait pu prendre un travail que personne ici ne daigne effectuer, il aurait pu faire la promotion de notre coin de planète et y inviter ses semblables, et là, ça devient très compliqué pour le personnel de l’immigration. Trop de cases nouvelles. Une langue de plus à cocher, une coopération à venir, une vision élargie de la culture, diable, peut-on rester tranquille un peu, se dit l’agente-conseillère de l’immigration, et élire des maires structurés comme à Hérouxville, là où les règles sont claires :

« À Hérouxville, il est maintenant formellement interdit de lapider les femmes, de les brûler vives et de les exciser. Il est défendu de porter le kirpan à l’école, et le voile dans les lieux publics. Le conseil municipal d’Hérouxville a adopté dernièrement un code de vie à l’intention des nouveaux arrivants qui voudraient s’installer dans ce village de la Mauricie. Les élus municipaux sont bien conscients que ces normes n’ont aucune valeur juridique. Mais ils espèrent ainsi soulever la discussion et dire clairement aux immigrants comment ils doivent s’attendre à vivre s’ils viennent s’établir à Hérouxville ».

Chez les villageois de Hérouxville, reflet d’une partie de notre population, on ne veut pas de voile ni turban. On porte des casquettes, des tuques de laine en été, on se promène le nombril à l’air, les craques au vent; on est tatoué, du perçage dans les endroits les plus inusités de notre anatomie.

On ne lapide pas les femmes, chez nous. On préfère les laisser debout, enceintes, avec des enfants et des paquets, dans les transports publics, et on détient le record mondial d’interventions chirurgicales pour accoucher. L’interruption de grossesse est toujours menacée, selon le machisme du gouvernement en place. Notre société hautement civilisée les congédie subtilement à la venue d’un congé de maternité qui pourrait, oh malheur, se poursuivre, tout en l’ayant sous-payée pendant ses années de service.

Nous, on ne lapide pas les femmes. On tisse sa pauvreté, fait en sorte qu’elle assume la quadruple tâche, soit le travail à l’extérieur, tout en combinant – tout n’est qu’organisation - les travaux domestiques, les soins aux enfants, les travaux scolaires, le bénévolat, les comités d’aide, ainsi que leur développement personnel. Car, il faut se l’avouer, le terrain est miné. La femme se doit d’être une excellente travailleuse, mère, aidante naturelle, conjointe, nymphette de Victoria’s Secret à ses heures, car la concurrence est féroce : nous avons découvert le prêt-à-porter, et le prêt-à-jeter.

Non, nous, on ne lapide pas. Côté turban, Simone de Beauvoir doit se retourner dans sa tombe.
Ce que j’aimerais discuter avec elle, ce matin, sous ce dôme de verre. J’essaierais de lui faire oublier le Café de Flore, quelques instants, et lui demanderais, de me parler de la situation de la femme, de son évolution depuis qu’elle nous a quittés, comment ça se passe au ciel.

Peut-être m'expliquerait-elle pourquoi j'ai agrippé ce sujet, ce matin, alors que j'avais préparé un clip rétro des années 60, de façon à nous amuser et nous faire danser ce week-end. Allez, Madame de Beauvoir, j'attends votre réponse!

Au fait, pourrons-nous porter notre chapeau de paille et notre pashmina si l'on traverse Hérouxville? Je ferai un détour, passerai à Go, collecterai.

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