lundi 27 septembre 2010

Le plan B

Je suis allée marcher à l’île des Moulins, à l’aube, et portée par la beauté de cette nature et de mes canards, j’ai poussé l’audace jusqu’à avoir chaud. Dans mon cas, c’est un matin glorieux, car je frissonne dès que le thermomètre descend sous la barre des chaleurs d'été, genre. Lorsque que je mets le pied dans un patelin de verdure où je m’époumone, je suis déjà heureuse, semblable à la première lampée de Gewurztraminer, un samedi soir avec des amis. C’est parfois si simple le bonheur, une fois rendu « dedans », quoiqu’il soit éparpillé dans les contenances les plus élémentaires du quotidien, ce qui est particulièrement déroutant : une promenade dans la nature, un bain d’huiles essentielles, un tajine de poulet aux olives qui cuit tout doucement pendant qu’on est plongé dans une histoire, la salutation chaleureuse d’un collègue en arrivant au travail. Ce qui est le plus facile mute en ce qu’il y a de plus laborieux à maintenir : ces petits gestes que l’on reconnaît comme bienfaisants, qui s’échappent au profit de la colonne des « to do for the future».


Cour de la maison de Virginia Woolf

 J’étais touchée par les propos de Guy Nadon, hier soir, à Tout le monde en parle, concernant le plan B. Il racontait avec émotions l’histoire de son frère devenu aphasique à la suite d’un AVC. C’est vrai qu’on ne peut prévoir de plan B, confronté aux événements dramatiques de la vie. On fait avec. Ce qui m’a fait réaliser, en marchant ce matin, que certaines choses deviennent si puissantes, à l’intérieur de soi, même si elles ne découlent pas d’une tragédie (quoique dans mon cas il y a eu un incident déclencheur), qu’il n’y subsiste plus de plan B. En ce qui me concerne, c’est la décision de me consacrer à l’écriture. Je suis consciente que je ne deviendrai pas l’auteure de romans épiques du douzième siècle, de deux tomes de mille pages chacun, avec trois cents personnages, comme Ken Follet, mais c’est un point de non-retour. Mes piliers de la terre se situent dans le cadre d’une maisonnée familiale de notre époque.

Une forme d’écriture qui sera mienne, certes, mais qui est omniprésente, comme une inquisitrice qui refuse de quitter le terrain, tous les prétextes en font foi. J’ai joué de l’escrime et usé l’artillerie lourde pour éviter ce choix qui n’est pas très orthodoxe, mais en vain. Elle exige que j’abandonne la zone de combat des comparaisons et que j’assume. Je n’ai plus de plan B. Il faudra que je fasse avec. D’autant plus que je viens de l’inscrire dans le cyberespace.

Bureau de Virginia Woolf






1 commentaire:

  1. Chère Jasmine,
    Comme je n'arrive pas (mais vraiment pas !) à maîtriser l'art de t'envoyer des commentaires après la lecture de certains de tes textes, me voici en courriel.
    Celui d'aujourd'hui: 5 *****.
    Droit au coeur. Au mien .
    Il y a déjà un Ken Follet. Il y a une Jasmine Potvin !
    Merci de persister et de signer.

    Renée

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