jeudi 9 septembre 2010

Cartables et cartes de crédit

Admettons que la rentrée est assumée, entendre par là qu'il y a intégration d'une espèce de routine qui autorise les parents à imposer un couvre-feu, avant qu'eux-mêmes soient consumés de fatigue, et à réciter les valeurs nutritives des collations dès qu'une porte d'armoire de cuisine claque au son d'un sac de biscuits.

Entre deux tranches de pain (composé de milliers de grains raffinés, modifiés et transformés) en attente d'une confection de sandwich, je me questionne sur les frais et les revendications réclamés par le parcours scolaire en 2010. Diable, comment parviennent les mères monoparentales (qui ne cessent de s’accroître) à régler les exigences d’un panier d’effets scolaires (qui devient, d’année en année, plus exhaustif et onéreux), sans parler de la saga d’épicerie qui devrait être composée de denrées politiquement acceptables pour le jeune ET pour le Guide alimentaire canadien? Elles ont toutes mon admiration pour la traversée de cette route jonchée de sommations.

Le rôle du parent, dans notre culture, se définit par la capacité à déballer son coffre à outils afin d’offrir à son enfant les meilleures chances de réussir sa vie. Par contre, en observant lesdits paniers se goinfrer, et les scènes de chamaillage devant les étagères alléchantes de propagande, je me questionne sur notre aptitude à les rendre heureux si le mot de trois lettres – NON — demeure bloqué dans la gorge. Notre société de consommation, dont nous sommes tributaires, leur fait miroiter d’infinies possibilités, tout aussi irréalistes les unes que les autres. Les vêtements de marque, qui promettent l'intégration à la tribu, les nouveaux gadgets qui laissent présager une dose accrue de performance, ou pire, le risque d’être un vrai looser s’il ne possède pas le iPod dernier cri? Je fulmine chaque fois que je surprends la pub de Rogers. Ça devrait être interdit, cette pensée qui porte atteinte à notre intelligence : faut que t’ailles à la maison pour prendre tes messages? Ben voyons! (le rejet). Avec ça, t'es branché 24 h sur 24! (ce qui te bousillera probablement le cerveau, mais cette dernière partie, est de moi, bien sûr…)

Tous ces achats, à coups de programmation engendrée par la répétition des annonces, donnent l’impression qu’ils sont essentiels (puisque les enfants les réclament) et jalonnent les relevés de cartes de crédit, avec l’essoufflement comme garantie. Comment avons-nous survécu, dans notre trajet académique, sans ces centaines de cartables multifonctions, séparateurs, protecteurs (ces geysers de plastique qui gisent dans nos dépotoirs l’année suivante); ces ensembles de géométrie annuels, calculatrices scientifiques; ces cahiers de maison d’édition à se procurer pour chaque matière, en plus des frais de photocopies, de surveillance de dîner, de journées thématiques; ces voyages en Europe ou en Amérique du sud, voyages dits humanitaires et/ou instructifs, j’en conviens, mais qui valent un pesant d’or.

Diantre, où trace-t-on la ligne entre l’éducation essentielle qui facilite l’apprentissage, le développement des talents et habiletés, la réalisation de soi, et ce que laisse miroiter notre contexte social? Les propulse-t-on vraiment vers un avenir meilleur?
À titre d’exemple, si une élève de seize ans ne va pas en Europe, avec le programme organisé par son école, car il faut bien célébrer la fin des études secondaires (!?!), a-t-elle des chances de réussir sa vie malgré tout? Est-ce que tout se joue, là, tout le temps, tout de suite? Quelle place reste-t-il au désir, à la capacité d’attendre, de rêver, de s’affranchir de la masse?

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