mercredi 28 avril 2010

Pratique de chaque instant

J’ai réfléchi au bonheur, hier, live, et, dans un tout autre ordre d’idées, bassement terre-à-terre, je crois que le bonheur existe lorsqu’on quitte l’entre-deux : entre deux brassées de lessive, entre deux garde-robes, entre deux saisons, entre deux années budgétaires, entre deux réunions de parents, entre deux repas, entre deux épisodes inflammatoires. L’entre-deux, c’est un concept médical, qui gravite dans l’alcôve de nos vénérables spécialistes, grisés par une vie à la vitesse "grand V", et empêtrés dans une forêt de fatalités. La « patiente », remplie d’espoir, exprime le bien-être du moment, raconte la métamorphose depuis qu’elle a modifié son alimentation. Le médecin fait les gros yeux, regarde les résultats des examens dans le dossier, fait l’aller-retour entre elle et les chiffres éloquents, et s’empresse de discourir sa théorie, au cas où le bonheur gagnerait du terrain. Il assure que ce mieux-être n’est que passager, que l’alimentation n’a absolument rien à y voir, et que, tôt ou tard, la douleur reviendra, car c’est chronique. (et non seulement dans la région sacro-iliaque, mais s’annexera aussi des douleurs dans la région cervicale, car c’est toujours ainsi). Il n’y a rien à faire, sauf soulager par la médication. « De plus, nous rappelle-t-il, un jour ou l’autre, nous mourrons ». Wow! J’ai failli l’engager comme conférencier sur le bonheur…


C’est une scène véridique, tournée hier, pendant la tempête, dans un hôpital universitaire, promis à un grand avenir. Et j’ai failli sombrer dans la torpeur, quoique un peu quand même. Croyez-le ou non, je me suis réveillée ce matin ankylosée, peine à bouger. N’est-ce pas assez puissant les suggestions? Je n’étais plus dans le moment présent, mais dans l’anticipation d’un épisode inflammatoire, et mon cerveau droit, full innocent, n’est pas en mesure de faire la différence entre le réel et l’imaginaire. Donc, en entendant ces propos (diffamatoires sur ma santé), je vivais déjà dans les douleurs futures, et mon corps a exactement mis en branle le processus. Fascinant!
À choisir entre entendre distiller d’obscurs pronostics d’avenir, faire amerrir un Boeing 747 en panne de tous ces réacteurs me semble un jeu d’enfant, un pur plaisir.

Il n’y a pas d’autres issues que de se centrer sur le moment présent. Le défi est grand, laborieux, exigeant, éprouvant, entrecoupé de rechutes. « Quand l’existence se complique, quand on se sent submergé, envahi par une impression de confusion, le mieux est encore de prendre du recul, de s’accorder le temps de réfléchir et de se remettre en mémoire l’objectif d’ensemble : qu’est-ce qui va véritablement m’apporter du bonheur? » Dalaï-Lama, L’art du bonheur.

Où vais-je mettre le focus? Sur le festival des catastrophes potentielles ou sur le « ici et maintenant »? Il existe un espace propice au bonheur. Je suis libre de choisir.

1 commentaire:

  1. Il me semble entendre ici ma collègue Michèle qui demanderait: "On est quelle date? On est ici et maintenant, on n'est pas dans 3 semaines!"...

    Autant un mauvais moral peut nuire à un corps autrement en santé, autant une belle philosophie peut soulager (dans tous les sens du terme) les maux du corps. Il y aura toujours ces rémissions inexpliquées, auxquelles les médecins ne veulent pas trop croire car ils ne l'ont pas provoquée et parce qu'elles leur semblent irréelles. Mais ce qui importe, n'est-ce pas le here and now?

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