mardi 19 octobre 2010

La vie est cool

C’est le titre du livre de Neil Pasricha, recommandé aux membres du club de lecture d’Archambault, par Christine Michaud. Je lui fais confiance, elle a bon goût en matière livresque de croissance personnelle. Le premier chapitre amorcé, je souriais et m’amusais à envisager de mettre en pratique ces petits moments adorables que l’on piétine allègrement à travers les gestes sérieux du quotidien. J’apprenais alors à établir une politique de partage de la patate, qui concerne le droit de picorer dans l’assiette de l’autre pour lui extirper quelques frites, sans avoir sur la conscience d’en avoir commandé; la joie de retrouver une boîte contenant nos cassettes de musique préférée de notre adolescence; l’odeur enivrant du bon pain qui sort du fourneau; dormir dans des draps fraîchement lavés; se construire un hôtel au Monopoly sur les terrains rouges ou jaunes. J’étais entièrement dans l’ambiance.

J’ai donc mis mon tablier, et organisé les ingrédients pour faire un pain. Pendant que mes brassées de lessive avalaient la mousse, que mon pain était enfourné, que mon potage à la courge, au cari et aux pommes mijotait, j’ai eu l’idée de me faire un masque purifiant, à l’argile, qui agirait pendant ma rédaction. J’étais d’une efficacité incroyable, un fond musical de Buesta vista club pour accompagner le rythme. Tous ces travaux étaient à l’œuvre avant même que le réparateur de lave-vaisselle mette le pied dans la maison, quelque part au cours de la journée (ils ne peuvent absolument pas prévoir leur visite, ça se situe entre 8 h et 17 h).

Un texte prenait forme sur mon écran, et j’étais absorbée par mon sujet à en perdre la notion du temps, jusqu’à ce que la sonnette me rappelle à quel point c’est efficient « squatter » chez soi en attendant une livraison ou l’escouade des électros. Cet appareil, un Bosch suprême, que le vendeur m’avait vanté les mérites, à savoir que :

- ma ti’te madame, avec ça, là, là, vous toucherez plus jamais à la vaisselle. Vous êtes dans le haut de gamme, là, là, là. Mais là, là, attention, c’est tellement sophistiqué, qu’il vous faut prendre abbbbbbbbbbbbbbbsolument une garantie prolongée, car l’électronique, c’est ben ben compliqué si ça pettttttttttttttttte.
Voilà que cette dite logistique électronique, la minuterie, a enfreint les lois de la longévité prévue par le négociant à commission. Le lave-vaisselle ne s’arrêtait plus, déjà qu’il est en fonction deux fois par jour. (Et que, finalement, je touche souvent, très souvent même, la vaisselle.) Je vais donc ouvrir la porte au réparateur d’électroménager. En m’apercevant, son air terrifié m’a rappelé que j’avais oublié d’enlever le masque. Vert, vert, vert. En une fraction de seconde, j’ai eu peur qu’il suive les conseils du spécialiste des extra-terrestres, l'invité de tout le monde en parle la semaine dernière, et qu’il me tire dessus. Puisqu'il n'a pas dégainé, j’en déduis qu’il devait écouter la nouvelle chaîne dédiée aux gars, avec Jean-François Mercier.

Je lui ai expliqué le problème, celui que j’avais décrit à huit personnes des différentes compagnies (le magasin, la compagnie de l’appareil, la compagnie de la garantie, et finalement la compagnie qui s’occupe des cas de garantie). Il m’a dit que ça sentait bon, chez nous. Je lui ai répondu que la vie est cool et j’ai poursuivi la rédaction de mon texte. Le téléphone n’a pas cessé de claironner, de la dame qui réclamait un rendez-vous d’urgence, avec n’importe quel médecin (vous êtes au mauvais numéro, madame), jusqu’aux assurances pour ma fille qui a pris l’auto pour aller honorer son nouveau permis de conduire, en s'offrant un cappuccino, et qui est revenue avec la porte arrière cabossée, dans le stationnement, par un autre adepte de la caféine. Il y a aussi la tutrice de l’école de rédaction qui ne m’a jamais contactée depuis bientôt trois ans, et qui a donné signe de vie à ce moment-là. Voulant enregistrer mon texte avant de retrouver le dossier la concernant, je l’ai supprimé. La vie est vraiment cool.

Avec un air déconfit, malgré le fait que j’avais ôté mon masque, il m’a annoncé qu’il n’avait pas « la pièce », car ça n’arrive jamais un bris dans le genre ET que le tuyau devait être obstrué. Il reviendrait. Et je devais appeler aussi un plombier. Ma fille avait eu le temps de rentrer de ses cours, habituellement l’heure où j’ai à peine terminé de débarrasser le dîner. Voulant accélérer le processus de prise de crème glacée dans le congélateur, situé en bas de la section réfrigérée, elle a fermé avec vigueur le tiroir avec son pied. C’est le « crac » qui m’a fait me détourner du postérieur de Monsieur Bosch, accroupi qu’il était à remettre ses bottines. J’étais furax après la nonchalance cool de l’adolescence et lorsqu’il s’est poussé pour échapper à mon impatience, il s’est embourbé dans les baskets de mon fils, pointure 10 ½.











Pendant que j’attendrai le spécialiste du congélateur, le retour de monsieur Bosch, le plombier, je poursuivrai la lecture du bouquin La vie est cool. J'avance à pas de tortue vers la zénitude.

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