lundi 26 juillet 2010

Adeline et Éléonore, personnages d'été

Ce matin-là, la marée était basse. Dès que le soleil avait diffusé les premiers rayons, Éléonore et Roseline s’étaient réveillées, accueillant le jour avec fébrilité. C’était dimanche, journée de grâce matinée pour les parents. D’autant plus que grands-parents et amis étaient venus fêter le début des vacances d’été en s’installant à la maison. Un immense feu avait été dressé au bord du fleuve, sur la grève, la veille au soir, jusqu’à la nuit.


Ils s’étaient donc couchés tard, repus des festivités. Afin que les filles demeurent au lit plus longtemps, la mère des jumelles avait déposé de nouveaux livres d’histoires ainsi qu’un bol de fruits sur leur table de chevet. Le moment était parfait pour exécuter leur plan.

Éléonore et Roseline avaient imaginé depuis l’hiver de descendre la côte, seules, sans entendre les éternelles recommandations de règles de sécurité. Après tout, elles venaient de terminer leur première année, ce n’étaient plus des bébés de « maternelle ». Les adultes ont tellement de difficulté à comprendre que les enfants grandissent, se disaient-elles, en planifiant leur escapade.

En dessous de leur lit, hier soir, chacune avait préparé un sac à dos pour l’aventure : des céréales, des pommes, berlingots de lait, des tartines de confitures, un seau, une petite pelle de plastique ainsi qu’un contenant de crème glacée vide, pour les trésors à rapporter. De plus, pour faire vrai, Éléonore avait glissé les lunettes soleil de maman, et les nouveaux livres, comme dans tout bagage digne de ce nom.

Elles s’habillèrent silencieusement, et sortirent par l’arrière de la maison en refermant tout doucement la porte-moustiquaire, faisant chut à Galop pour qu’il ne jappe pas. Sa queue frétillait tellement fort qu’il fit tomber une plante sur le balcon arrière. Le souffle coupé, les filles se cachèrent dans le racoin, en statue, attendant quelques instants, jusqu’à être certaines que les parents soient encore enfouis dans le sommeil. Soulagées, elles avaient le champ libre. Tout en marchant pour se rendre à l’entrée du sentier qui descendait au fleuve, Éléonore demanda à Roseline, en faisant la moue, pourquoi ses souliers de toile devenaient tout mouillés alors qu’il n’y avait pas de pluie.

— Beurk, je déteste ça, elle dit en chialant.

— C’est la rosée, fut la réponse reçue avec un ton exaspéré. Si tu commences déjà à te plaindre, tu ne pourras pas me suivre. Retourne à la maison te mettre au lit comme un bébé.

— Je suis plus cool que tu le penses, et j’y vais moi aussi.

Elles descendirent donc la côte menant au fleuve, par le sentier escarpé défriché par les parents et le voisinage l’été précédent. Cette aventure leur donnait l’impression d’être dans un film. Galop passait devant, derrière, s’assurant que les filles se portaient bien. Une fois rendue sur la grève, une bouffée de fierté les fit sauter de joie. Elles étaient seules sur la plage.

— Bon, le sable est humide et il va falloir enlever les algues pour faire une jolie table. Est-ce qu’on a apporté une serviette? demande Éléonore, qui regretta sa question en voyant Roseline aménager leur déjeuner sur leur grosse roche.

C’était magique. Sans les parents, elles pourraient ramasser autant de têtards, les nourrir, et construire une maison pour les grenouilles. Elles collectionneraient plein de coquillages pour les peindre, décorer leur chambre et faire des colliers.


Elles s’installèrent sur leur rocher comme à la table d’un chef cinq étoiles. La première bouchée de céréales fut étonnante. Oh!, non, le lait est chaud, et dégueu…

— Ben voyons, Éléonore, fallait pas le laisser toute la nuit sous le lit. Ne mange pas ça. On va prendre les tartines de pain avec les pommes et les raisins que maman a préparé.

Le soleil réchauffait déjà le sable et ce serait facile de ramasser les algues pour la cueillette de coquillages. Les filles savouraient cette aventure, transportées par le bruit des vagues et cette sensation d’être au cœur du Monde.

Soudain, les feuilles d’arbres se mirent à frémir et cela les fit sursauter. Ce ne pouvait être le vent. Quelques cailloux dévalèrent dans la côte à quelques pas du sentier. La gorge nouée, sans mot ni son pouvant sortir de leur bouche soudainement sèche, Éléonore sauta de la roche et se précipita à l’eau pour s’éloigner de ces bruits étranges. Adeline, qui avait toujours joué le rôle de « grande sœur » auprès d’Éléonore, persuadée qu’elle détenait une maturité exemplaire, lui cria, affolée, de revenir immédiatement sur la grève.

Si vous êtes inspiré(e), il me ferait plaisir de recevoir vos idées & commentaires:
Quel est la source du bruit? Quelles aventures attendent les jumelles?

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