mardi 19 janvier 2010

La grâce de janvier


Ce matin, j'ai tellement d'idées en tête que je n'arrive pas à me centrer, à focaliser sur une tâche et à m'organiser de façon efficace. J'ai mis sur le réchaud une théière de oolong de formose, quoique mon choix se serait plutôt porté sur du thé blanc, Bo cha Karigane, si j'avais été à deux pas de mon marchand de thé. Du thé blanc, comme cette neige duveteuse qui ressemble à du sucre à glacer sur notre pays mal isolé. Hier, je verglassais de stress sur la route, avec grésil et dérapage comme fond d'écran. Aujourd'hui, les gros flocons, inspirants à souhait, qui invite à rentrer chez soi. Littéralement. Ce paysage de carte postale me fait toujours cet effet. Rentrer chez soi. Entendre l'appel lorsque tout semble s'agiter. Remettre les priorités en tête de liste. Biffer les fausses urgences. Ne pas rompre la promesse de répondre à la faim de l'âme.

J'écoute alors Glenn Gould, piano enchanteur et variations Goldberg, qui m'emporte dans un espace d'écrivaines qui ont déterminé le sens de ma vie.


Je passe quelques instants avec Simone de Beauvoir. J'aimerais être assise à ses côtés, au café de Flore, et lui partager à quel point Mémoires d'une jeune fille rangée et Le deuxième sexe ont fait de moi une aspirante écrivaine, et que plus jamais ce désir ne quitterait ma vie. Et Carnets de jeunesse, où je suis plongée présentement, me fait découvrir la route qui l'a mené à elle-même.
Près de moi, il y a aussi Doris Lessing, avec le Carnet d'or et Les enfants de la violence. Des histoires à couper le souffle, plus puissantes que le roman en soi. Je suis stratifiée d'elle. Marguerite Duras, plus grande que nature, se présente à moi à des intervalles cadencées. Virginia Woolf, Anaïs Nin. En plus de vos créations littéraires, vos journaux intimes ont permis d'étancher notre soif d'écrire notre parcours, d'être là pour soi lorsque la vie déraille. Savez-vous, du haut du ciel, à quel point vous avez rendu nos vies plus odorantes, plus pétillantes? Vous avez offert plus de raisons à nos yeux de briller, à nos papilles gustatives de déguster des tas de cappucino, et à notre identité de s'affranchir. Et vous, miss Potter, vous avez frayé un chemin pour qu'on prenne notre place dans le Monde. Lorsque les exigences sociales envahissent notre territoire sacré, c'est Clarissa Pinkola Estés qui est là. Ces contes, sa connaissance de la Femme, la glorieuse, nous souffle assez d'énergie pour prendre une bouffée d'air et poursuivre notre chemin. C'est elle qui invite à rentrer chez soi, à ne pas se laisser dénaturer, à refuser le harnais qui empêche de se propulser dans la vie. Elle nous honore de nourrir notre vie créatrice, de découvrir notre vraie bande. Dans Femmes qui courent avec les loups, vous m'avez appris à contacter mon intuition, messagère de l'âme, et à faire confiance. À chaque fois où je me suis égarée, vous étiez là pour me rappeler que le choix doit venir d'une faim de l'âme, que pour acquérir force et agilité, je peux me rendre au bord de la mer et laisser tomber la question pour un temps.
Mais qui serais-je sans vous, grandes dames? Christiane Singer, avec Éloge du mariage, de l'engagement et autres folies, j'ai souvenir de grands éclats de bonheur et d'avoir accepté de danser l'union avec ses risques et périls. Et ce titre, que j'ai agrafé un peu partout, Où cours-tu? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi? a dû me sauver de quelques intempéries.
Mesdames, je suis débordante de gratitude.
J'ai encore besoin de vous. J'ai encore des questions, j'ai encore des moments d'ombre.
Je suis prête. Je peux désormais entendre ce que vous vouliez me dire. Je suis sur le belvédère de mes aspirations, au jardin des semences. C'est janvier. C'est la période des épousailles avec notre vie, avec ce qu'on souhaite profondément. Et j'aimerais vraiment vous inviter à ma table. Peut-être serai-je accompagnée de Julie&Julia, de Josée, ou du moins, j'en serai dignement inspirée. Ce sera un festin. Un festin d'écrivaines. C'est la grâce que je me souhaite.

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