mercredi 8 juin 2011

Le 8 juin 1995

C’était le 8 juin 1995. Depuis plusieurs jours, l’été revêtait une canicule qui nous rendait moites et alourdis. Je devais peser vingt kilos de plus, d’ailleurs. Ce poids s’était concentré sur la région abdominale, un peu plus chaque jour depuis les neuf derniers mois.


Deux semaines auparavant, le gynécologue avait émis un avertissement de code rouge : le bébé était tout à fait  en mesure à mettre le bout de son nez dans notre famille. « Ne sortez pas de la ville », a-t-il déclaré solennellement, « vous allez accoucher d’un instant à l’autre ». Branle-bas de combat, le chéri en vitesse rappelle tous ses patients pour reporter leurs rendez-vous deux semaines plus tard, cause de paternité. Il souhaitait être plus-que-présent lors de la venue du troisième rejeton de la maisonnée. Il était inquiet que j’enfante dans la voiture, sans avoir le temps de se rendre à l’hôpital — ce qui était impensable à mon avis —, mais j’étais surtout habitée par la gestion de la marmaille au moment où William donnerait ses premiers signes vers la vie extra-utérine.

Nous étions fins prêts et chaque jour devait être Le jour J. Mais non. Coquin il était déjà dans sa façon de nous apprendre la différence, en captivant une place bien à lui. Avis à quiconque de faire des prévisions. Le 7 juin, je me suis décidée à communiquer avec mon obstétricien, qui ne comprenait toujours pas mon absence dans sa salle de naissance. Il nous a invités à « aller prendre un café » le lendemain, vers 11 h. Mes parents sont arrivés pour garder le fort. Tisane, nous avons partagée, ensuite le bain chaud et tourbillonnant a pris place dans l'histoire, vers 13 h, afin de faire « déclencher le travail », qu’ils appellent dans le jargon. La première contraction a nécessité le vrai code rouge, la poussée a fait le reste. William, mon dernier bébé, ai-je spécifié à ce moment-là, a vu le jour à 15 h 03.

Que le temps passe vite, aussi cliché que cela puisse paraître. Je suis là à écrire sur un épisode mémorable d’il y a seize ans, un peu comme si c’était hier et à la fois dans une zone brumeuse et lointaine. Le recul teinté par la maturité et un peu de sagesse, fait songer que cet événement se déroulerait autrement, évidemment, mais la zénitude ne s’acquiert qu’avec l’expérience et un périlleux travail sur soi. Je contemple, donc, le chemin parcouru, et me délecte de tout l’avenir possible, de l’affranchissement des rêves et des talents de nos amours. La confiance envers la suite de la communauté devient un incontournable, lorsqu’on ose souffler les bougies.

William, je te souhaite de prendre ta place dans le monde, celle inspirée par ton cœur et ton âme, sur le sentier que toi seul choisiras. Pour le bonheur et en hommage à la vie, merci de nous avoir élus comme famille.

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