jeudi 16 juin 2011

Bal et folie de grandeur

Il n’y a pas si longtemps, franchir avec succès son cinquième secondaire était simplement et modestement la porte d’entrée vers un choix de carrière. Un rite de passage. Nous avions le vent dans les voiles de la liberté, la VRAIE vie commençait. Je me souviens que cette utopique indépendance s’était festoyée au bord d’un feu de camp, guitare sous le bras et chansons remplies de bulles, sous les effluves de la St-Jean. Nous étions vêtues de jupes fleuries ou d’une salopette en jean, pieds chaussés de sandales de cuir fraîchement taillé, genre.


Le cégep et l’université avaient l’allure de « bar open » du savoir, faisant écho à notre identité de citoyen cultivé, instruit, avec avenir « garanti ». Nous débarquions pour plusieurs années. C’était la norme, du moins dans mon monde à moi. Les lancements de toges étaient censurés jusqu’à la fin des études dites supérieures.

Quelques années plus tard, les graduations que vivent mes rejetons prennent des allures de folie de grandeur. Il semble que terminer son cinquième secondaire soit un exploit, et que l’investissement pour souligner la chose sollicite un portefeuille d’actions et de REER. En version féminine, il y a ze robe de bal. On ne parle pas d’une tenue soyeuse, élégante, qui soulignerait la fin des mini-jupes ou des décolletés qui font la peau dure aux enseignants, non. On verse dans le tapis rouge et les vedettes d’Hollywood ont de la compétition. Robes d’organza et de paillettes diamantées, coiffures et accessoires tout aussi chics les uns que les autres semblent être la norme. Une organisation — digne d’une firme de gestion de projets — débutant à la relâche scolaire de février et qui se clôture avec soulagement pour les parents une fois juin égrené sur l’agenda. On se tape la rue St-Hubert avec le festival de satin éclaboussant les vitrines de toutes les couleurs de glace en promo pour l’été : pêche abricotée, limette citronnée, explosion de fraises des champs, éclat de vanille, bleuet givré.


J’ai même entendu entre les branches que la limousine est de rigueur. C’est décidément l’événement du siècle de leur existence. Il y a aussi la cérémonie de diplomation – qui nécessite une autre tenue —, où les toges prennent l’uniforme et les mortiers voltigent dans les airs comme signe d’aboutissement d’un périlleux parcours.


Je souhaite sincèrement que,  lors du jour J, ils vivent  autant d'émotions qu'ils ont investi d'énergie .
À cet âge, j’étais partie « sur le pouce » de Deschaillons avec sept amis pour assister au spectacle Une fois 5 offert sur le Mont-Royal. Autre temps, autres moeurs. Le temps d’une chanson.

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