lundi 6 février 2012

Vider son sac


En lisant Annie Ernaux, L’atelier noir, je saisis la résonance complexe et ombrée de la création, littéraire dans son cas. Un livre entièrement consacré au processus créateur. Incubation, exaltation, déroute, doute, solitude, vertige, adaptation, initiation, indication, abandon, vérité intime, exposition.

L’analogie s’impose avec l’art de voyager: préparation, effervescence, jubilation, traversée, constellation de découvertes, parfois décevantes ou embrasées, c’est selon, et, la plupart du temps, l’inévitable retour. Défaire sa valise. 

Les objets, une fois désemplis de rêveries, ne sont désormais que porteurs de souvenirs. L’essentiel est emmagasiné en soi, cacheté dans un espace sacré, et saura se déployer dans un moment crépusculaire de notre existence. Il a pénétré le tissu de notre avenir. On a vidé notre sac et rempli notre cerveau d’images et de sensations inédites. Il faudra réorganiser le tout et autoriser un nouveau cycle.

Voyager, c’est se projeter vers l’extérieur, au départ, mais c’est aussi accepter un plongeon à l’intérieur, lors du retour, au pays des impressions englouties, à l’abri des bruits du monde. Et être confronté à notre propre vacarme, ou à la page blanche. À moins de se réfugier quelques instants chez les grands maîtres, histoire d'amortir le choc.

 Le Libraire


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