mercredi 25 janvier 2012

Des ramifications jubilatoires


La joie se conjugue au présent de l’indicatif. Un sourire, une odeur, une texture douce sur les épaules, une sonorité, la quiétude du chat qui se vautre sur la pile de livres, une patte sur le clavier. Un téléphone froufroutant une bonne nouvelle.

Ce matin, mon fils m’a annoncé son admission au doctorat en biophysique à l’Université Harvard. Il briguera Boston pour les cinq prochaines années, nageant dans la découverte et l’ouverture sur le monde. Un projet devenu réalité, comme une cathédrale édifiée pierre par pierre. Il me semble que c’est avant-hier que nous jouions aux petites voitures sur le tapis de routes dessinées en y installant une multitude d’objets hétéroclites, mais plus-que-vivants, que nous seuls comprenions le sens, dans notre espace imaginaire.

Comment expliquer, depuis toujours, l’euphorie pour Harvard, moi qui suis issue d’un milieu rural où les études supérieures n’ont pas d’attraits particuliers.  Ce fût le choix de ma première destination de voyage, et dans le sac à dos, bien sûr, l’usurpation du ouaté bien estampillé, acheté sur le campus. Je le portais enceinte de mon fils, quelques années plus tard. Ensuite, c’est avec ma fillette que nous avons validé le scénario de Rory dans Gilmore Girls, en nous infiltrant à la bibliothèque et reniflant dans les résidences étudiantes de Harvard. Le douanier en fronçait des sourcils quant à la raison de notre voyage.

Je crois que la vie se déploie de ramifications imprévisibles. Les rêves enfouis trouvent un exutoire, par procuration ou d’une autre façon. « Les eaux stagnantes doivent parfois se déverser quelque part », dit Élise Turcotte dans Guyana. J’avais abrié cette possibilité, mais elle a enfilé les plus belles chaussures    pour prendre la route. Le grand Bonheur, comme parent, c’est de voir l’étincelle dans les yeux de nos enfants. Et si par chance un fougueux vent attise le feu, c’est un moment jubilatoire.


vendredi 13 janvier 2012

Petits papiers enlacés


J’ai réussi à orchestrer les notoires petits papiers dispersés, enfouis, recroquevillés, mais tous porteurs d’idées, de mots gênés, inspirés et têtus, de personnages en quête d’identité. J’ai aussi regroupé mes Billets de saison sous une figure dite manuscrite, qui me font la pluie, la neige, le beau temps et les grands yeux, ET totalisent tout de même quatre cents pages. Mais pour créer des Billets gourmands, il faudra élaguer, hacher, tondre, épousseter, raturer, peaufiner, turlupiner, vermiller et cuisiner.


En voyant cette liasse sur ma table de travail, je réalise le « concept » du petit pas, DU mot, DU paragraphe, du rêve codé dans les synapses, qui, jour après jour, se sont amalgamés pour prendre forme. J’ai amorcé ce blogue il y a deux ans, après une éprouvante saga de santé, ou j’étais persuadée que je transigerais désormais au passé composé ou à l’imparfait. Ma vie résonnait en italique. Mais la minuscule flamme — jadis volcanique —, celle qui a vacillé quelques années, a préservé le feu. Cette braise est restée vacante et attendait qu'on l'attise.

Afin de me protéger des feux ardents ancestraux, j’utilise l’eau comme balise, histoire d’éviter l'excédent d’élans dévastateurs, (énergiquement parlant). C’est un beau compromis, car une enfance vécue au bord du fleuve fait en sorte que cet élément demeurera toute ma vie une façon de sauvegarder mon disque dur.

Alors je dépose ma liasse pour une petite semaine et m’envole avec ma fille au pays des sept bleus et des fous rires. Une pause de girls, avec un bagage rempli de livres, de placotes, de découvertes avec lesquelles on pourra se badigeonner dans les moments plus gris. On laisse les bas dodus aux gars qui garderont le phare dans la poudreuse, pendant que nos orteils s'élargiront dans notre horizon.


On pourra dédouaner, dans ma valise,  L’art presque perdu de ne rien faire, de Dany Laferrière (Boréal), Guyana, d’Élise Turcotte (Leméac), Lettres à un jeune poète, Rilke (Gallimard), Se résoudre aux adieux, Philippe Besson (Julliard) et Feux, de Marguerite Yourcenar (Gallimard). 

lundi 9 janvier 2012

Mot de passe 2012


Ça y est, ce matin, j’ai les deux pieds dans la nouvelle année. 

Je nous la souhaite enchanteresse. J’affectionne le mot « enchanteresse », car les mots doux m’enchantent.  Et pour ce nouveau calendrier, sans vouloir en faire une résolution, je cultive l’idée d’écrire la vie, tout comme Annie Ernaux (Gallimard,) et travailler à diffuser la beauté des mots qui flânent, avec la même essence que Kim Thuy (Ru, À toi).

Puisque tout nouveau projet s’amorce souvent à travers une zone de turbulence – ménage, s’entend —, je persisterai à définir le mot de passe de ma vie, celui qui me grise, qui m’enflamme, celui qui me projette du lit le matin et me fait déguster mon thé vert japonais avec tant de gratitude. Enfin, j'aspire à séquestrer un mot de passe unique qui me fera dénicher des mots qui chatouillent notre âme.


Bonne rentrée 2012, avec ou sans résolutions…