Je
vis désormais avec des personnages qui s’infiltrent un peu n’importe où et
n’importe quand. Surtout et souvent. De nuit comme de jour. En toute saison. Ils ont murmuré à mes oreilles sourdes et ont inquiété
mes nuits depuis des lustres.
Mais grâce à un moment de solitude consacré à l’écriture
intensive, en septembre, mon cœur s’est déboutonné et a enfin entendu l’appel –
en recomposition automatique- . J’ai abdiqué devant la mer de doutes. Quoiqu’il
arrive, je prendrais soin d’eux, d’elles, et je leur donnerais la chance de
prendre vie.
Pourtant,
je sais mettre au monde. Dans la chair
concrète et réelle. Mais l’espace imaginaire est peuplé d’inconnus et il se
rebiffe devant les normes établies, zyeutant tous les possibles, là où mon
cerveau reptilien chigne et se décoiffe.
Il
faut une dose d’humilité, une ouverture profonde comme un canyon vers le
lâcher-prise, un goût du risque certain pour se laisser aller le crayon de la
sorte. Et à force de nommer ce désir, cette passion, de l’espérer, de le
chouchouter, de le pleurer, j’ai décidé de plonger dans cette mer d’encre et de
création.
Il
arrive un moment où il est trop tard pour reculer. Car Justine et ses tantes
Gloria, Georgia et Magella font la parade tout au long du quotidien. Elles
s’installent sur mon carnet, sur des papiers froissés, cartonnés, de soie.
Elles choisissent leur milieu de vie, se réunissent autour de la table, édifient
leur âme, bien campées sur le canapé pour me raconter leur histoire. C’est la
fête.
Les anecdotes arrivent sur un plateau, sous la douche, à l’épicerie, chez
le marchand de thé, en chanson, au diapason. Je m’oblige à une qualité de
présence, à vriller les idées, à tuteurer ces beaux personnages, à rejouer mon
quotidien autrement. Avec monsieur Gustave qui adore les crayons, le clavier,
les papiers. Qui me suit partout avec ses pattes truffées de silence, comme si
je ne le voyais pas prendre son élan pour pianoter sur mon portable.
Je
jubile.