vendredi 20 juin 2014

Je décancère un peu plus

Je décancère un peu

Il y a les nuits cortisonées, du jour 1 au jour 5 du traitement médical. Je compose avec les éléments biochimiques qui pétillent dans mes veines et produisent chez moi un survoltage quasi spectaculaire. Les nuits sont blanches. Blanches nuits. L’œil de la nuit est vif, pétillant et échafaude des plans aux idées sauterelles. Jusqu’au lever du jour. Ensuite, puisque la luminescence bat son plein et que les zoiseaux nous ensorcellent de cet air estival, le sommeil semble désorienté de reprendre ses droits, malaxé qu’il a été par cette « fausse » énergie moléculaire.

Il y a aussi l’après cortisone. Cette impression qu’on vient brusquement de changer de paysage, de pays, de planète. La fausse énergie n’est plus. Le corps réclame à grands cris du repos, mais ne sait plus trop comment faire. Il faut donc se réadapter et se laisser déposer sur la lenteur, la bienveillance, accepter cette dépression atmosphérique. Parce qu’il s’agit de guérison. Et que les facteurs les plus influents se nomment repos, amour et bonheur.

Et qui d’autre que soi-même pour d’abord se l’offrir? Ouvrir la porte du cœur aux attentions, à l’écoute des signes et à la gratitude. Que de bienfaits lors d’une pêche aux mini bonheurs! Les pivoines qui éclatent, les sourires, une parfaite journée d’été où l’on peut lire sur une chaise de détente, un plat de légumes vifs et colorés cuits doucement à la vapeur, un courriel d’une amie qui fait chaud au cœur,  une musique qui nous élève…

Et tout ça, accessible et illimité.

Mes alliées cette semaine :

Recevoir les résultats de la biopsie et du premier traitement: pas de cellules cancéreuses dans la moelle osseuse et « fonte » des ganglions, de sorte qu’on pourra peut-être diminuer le nombre de traitements de chimio;

Mon amie Mona qui m’invite à me reposer chez elle, près du lac, et qui fait chaque matin son checkpoint au sujet de mon état. Quelle bonté!;

Lire, sous mon arbre magique,  Une autre idée du bonheur, de Marc Lévy ; un road trip qui se déguste comme un rosé bien frais, la tête sous un chapeau de paille et les orteils dans le gazon;
De l’aide domestique de mon ange France;

Éclater de rire aux propos de ma mère qui tente de me rassurer sur mon inquiétude d’enfler du visage avec la prise de cortisone : « C’est pas grave, ma fille, t’as une belle face!!! »;

La série épistolaire de courriels de mon amie Marie-Paule. De quoi l’intégrer dans mon journal;

Des bouquets d’attentions et de cadeaux qui goûtent les fraises bios bien mûres : des ustensiles en bois de Gi, des livres de Renée, de Mona, de Gi, des éclats de rire en texto avec Lise, des sushis du chéri, revoir Isabelle, les soins de bienveillance et guérison de l’équipe de pH Santé Beauté.

Choyée, la fille. Mes amies, je vous rends grâce!

Je me dépose sur le nectar de la vie comme le papillon sur sa fleur.

Photo: Dominique Girard, agente littéraire, Agence littéraire Trait d'union



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vendredi 30 mai 2014

Il pleut des pétales de pommetier


Je fais de la place à ce qui est beau, bon, lumineux et coloré. J’admire et entrepose dans mes cellules l’éclatement des couleurs de la nature;  j’ai même exploré des angles neufs. Me suis étendue sous mon arbre vert fluorescent  pour le photographier – aussi pour me connecter à sa force et ses racines-, réjoui qu’il était devant la chimie provoquée par le rose de son acolyte pommetier qui se délestait de ses pétales.



J’ai commencé un nouveau journal, un Claire-Fontaine avec une couverture kraft, qui me rappelle le sable du bord de mer fusionné à un bouquet de crayons-mine fraîchement taillés. La fille a l’imagination fertile. Et le besoin de créer, d’ébaucher un projet qui mobilise : un journal de guérison. D’ailleurs, dans la littérature médicale, on parle de la force créatrice comme un des aspects de la volonté de vivre.

Ce matin, en  marchant sur l’île des Moulins qui longe la fougueuse rivière, accompagnée des canards et des bernaches, j’ai réalisé une fois de plus que la beauté est bienveillante; que les éclats de rire avec une amie font sécréter des endorphines pour notre plus grand bien; qu’il existe dans notre assiette des hectares de diamants de vitalité; que l’art existe pour nous rappeler à quel point la vie est puissante et effervescente. Que ce n’est pas parce qu’on traverse un moment difficile que le reste n’est pas merveilleux. On m’a souligné, d’ailleurs : « Ce n’est pas parce qu’on est en hiver qu’il n’y a plus de saison. »

Mes alliés du jour :

  • Mettre des lilas dans un vase et humer jusqu’à limite du dopage
  • Lire « La volonté de guérir » de Norman Cousins; feuilleter « Les femmes qui pensent sont dangereuses »
  • M’aromatiser d'eau de fleur d’oranger
  • Déguster un plat de légumes cuits à la marguerite : patates douces, cresson, endives, échalotes, gingembre et asperges, avec un filet d’huile d’olive, sur un mini-nid de riz basmati aux haricots noirs.
  • Photographier les bernaches qui ont eu des bébés.







vendredi 23 mai 2014

Le cancer n’est pas contagieux; l’amour, oui.

Je soutire les pétales de marguerites imaginaires : je continue, j’arrête, je continue, j’arrête, je cesse d’écrire sur ce blogue. Non,  je jouerai une fois la semaine;  zut! J’ai manqué de temps cette semaine;  je devrais me concentrer sur un plan d’avenir, un projet d’écriture bien ficelé, écouter mes personnages qui me racontent leurs histoires. Mais finalement, aussi bien le crier sur tous les toits, ça me manque un lectorat, que ce soit lors des jours grigris, ou plus pétillants; envie de sentir que je ne suis pas seule, égarée dans une forêt peuplée de dragons.

Écrire est un moment privilégié et doucereux où je peux partager les aléas du quotidien, les aventures de la vie, les bons coups qui nous font grandir, et qui nous propulsent vers la meilleure version de soi-même. Même au travers la râpeuse solitude lors d'un événement coriace.

Cette fois, je réintègre le clavier avec une nouvelle saison à traverser. Puisque je n’ai plus de garantie sur mon « body » (j’ai cherché dans mes archives et elle est expirée), je dois aller chez le réparateur, quelques fonctions à rénover. En fait, ce sera un été à passer dans les méandres hospitaliers. Six mois de chimiothérapie, de noms de produits médicaux impossibles à profiter au Scrabble.
  
J’ai demandé à ma doc si je pouvais avoir de la chimio bio, je suis fervente à la cause, j’ai dit. Elle a éclaté de rire, baskets aux pieds et génie dans la cervelle. Dévouée comme Theresa,  dans à peu près les mêmes installations vétustes, j’exagère à peine. Avec une équipe aux sourires accrochés aux lèvres. Disons que le diagnostic n’a pas le panache d’une pub pour le Club Med, mais les résultats se veulent efficaces, en constante évolution.  Et moi qui bouffe crucifères, thé vert japonais, petits fruits et curcumine, qui visualise et médite, qui agrippe les derniers bouquins sur la santé. Quelle jambe ça me fait!

L’idée est de fuir l’enlisement dans le pourquoi, mais se mobiliser sur le comment : ce qu’on fait avec ce que la Vie nous propose, le regard à déposer sur les événements inusités et incontrôlables qui se pointent sur le palier de notre entrée. Il s’avère que je vais explorer cette couleur ignorée de mon carnet de route, que je vais puiser dans mes ressources en tous genres. Et en découvrir des inédites. 

Et vous serez témoins de ces élans. De ces découvertes.  D’un magnolia en fleurs. Des alliés du quotidien quand on traverse un tsunami. Espérant vous offrir une dose de caféine ou de sérotonine, c'est selon.

Déjà, je suis vermillonnée de mon territoire amical. Des amies qui se pointent à l’hôpital, alors que je ne veux en aucun cas « déranger » ; des amies expérimentées de la vie et des radiations, de surcroît, qui t’amènent prendre un thé et te carillonnent dans les oreilles qu’elles sont là, qu’elles seront là. Des fleurs, de la tendresse, des attentions gracieuses, des mots qui s’infiltrent dans le cœur comme dans un canyon.  Et la famille, avec des racines qui vous permettent de rester debout quand la tempête vocifère avec frénésie, que les cieux sont sombres et hivernaux. J’ai ce qu’il faut comme bagage pour ce voyage, même si je trébucherai dans les nids-de-poule inévitables. Et dans l’invisible, quelque part, on se tiendra la main, se disant des mots doux les yeux fermés.


Mes alliés du jour :
Karin Kei Nagano, Mozart piano concertos pour piano nos 12 & 13, chez Analekta
Glenn Gould plays Renaissance & Baroque music, Sony
Prendre une marche en croquant une pomme, et ensuite mon thé vert japonais Sencha Megami envoyé par mon fils de Boston.

Aimé lire, comme un bon chocolat chaud (quand on tolère le chocolat):
Muchachas, tomes 1 et 2, de Katherine Pancol, Albin Michel, 2014
Le retour au Why Café, John P. Strelecky, Dauphin blanc, 2014
Le luthier, Alain Williamson, Dauphin blanc
Le cerveau de Bouddha : bonheur, amour et sagesse au temps des neurosciences, Rick Hanson, Les Arènes, 2011
Détours sur la route de Compostelle, Mylène Glibert-Dumas, vlb, 2014

Sur ma table de chevet, avec une doudou :
Premier appel pour le paradis, Mitch Albom, chez édito Gallimard, 2014
Monsieur Proust, Céleste Albaret, Laffont, 2014
Une autre idée du bonheur, Marc Lévy, Robert Laffont, 2014
Onze petites trahisons, recueil de nouvelles, Agnès Gruda, Boréal compact, 2011




mercredi 22 janvier 2014

Du givre sur le piratage


Le temps file. Le défilé du vivant me happe tout au long de la route. Elle est tout en lacets, et peuplée d’une forêt d’événements - domestiques, de santé, de famille-, et bordée d’une grande allée de sentiments. C’est vrai, mon mois de décembre s’est traduit par des fragments de convalescence – rien de très grave-, et puis les Fêtes ont pris le dessus avec ce qu’on connaît de son tourbillon.

Et au moment où je voulais souligner le début de l’année, avec des joliesses à vous transmettre et des intentions lumineuses à partager, je me suis rendu compte que mon blogue (le compte gmail) avait été piraté. Impossible d’aller sur mon site pour y travailler et écrire. J’ai évidemment cherché le sens, jusqu’à ce que mon fils accapare la bête et me déniche l’adresse pour toquer et jouer du clavier. Mode solution. Me voilà. J’aurais dû demander avant. À la fois rénovée, un peu frétillante à l’idée d’amorcer l’année avec mes projets d’écriture.

Les Lemieux, Brodeur, Flaubert et Larose sont en processus de sculptage : du salon de thé, de la librairie, de la boulangerie, du barbier. Ils font des signes (incompréhensibles, à ce jour) à Gloria, Magella et Georgia, les tantes de Justine. J’entrouvre tout doucement la porte pour les entendre. Si j’accepte que ce soit mon rôle, on verra bien où tout ça va mener.  

Je vous offre quelques plaisirs de lecture pour carillonner et faire un pied de nez à cet air glacial qui semble « hiberner » cet hiver. Ce sont des lectures qui font du bien, qui réchauffent. À déguster avec un thé, un chocolat chaud ou un cappuccino saupoudré de cannelle.

Le chardonneret, de Donna Tartt, Feux croisés/ Plon
Des pêches pour monsieur le curé, Joanne Harris (auteure du livre porté à l’écran Chocolat), Hurtubise
Passagère du silence, de Fabienne Verdier, Poche
Contes de la chambre de thé, de Sophie de Meyrac, Albin Michel
Et en voie de lecture :
L’empreinte de toute chose, Elisabeth Gilbert, Clamann-lévy
L’enfant qui savait parler la langue des chiens, Joanna Gruda, Boréal