vendredi 30 mai 2014

Il pleut des pétales de pommetier


Je fais de la place à ce qui est beau, bon, lumineux et coloré. J’admire et entrepose dans mes cellules l’éclatement des couleurs de la nature;  j’ai même exploré des angles neufs. Me suis étendue sous mon arbre vert fluorescent  pour le photographier – aussi pour me connecter à sa force et ses racines-, réjoui qu’il était devant la chimie provoquée par le rose de son acolyte pommetier qui se délestait de ses pétales.



J’ai commencé un nouveau journal, un Claire-Fontaine avec une couverture kraft, qui me rappelle le sable du bord de mer fusionné à un bouquet de crayons-mine fraîchement taillés. La fille a l’imagination fertile. Et le besoin de créer, d’ébaucher un projet qui mobilise : un journal de guérison. D’ailleurs, dans la littérature médicale, on parle de la force créatrice comme un des aspects de la volonté de vivre.

Ce matin, en  marchant sur l’île des Moulins qui longe la fougueuse rivière, accompagnée des canards et des bernaches, j’ai réalisé une fois de plus que la beauté est bienveillante; que les éclats de rire avec une amie font sécréter des endorphines pour notre plus grand bien; qu’il existe dans notre assiette des hectares de diamants de vitalité; que l’art existe pour nous rappeler à quel point la vie est puissante et effervescente. Que ce n’est pas parce qu’on traverse un moment difficile que le reste n’est pas merveilleux. On m’a souligné, d’ailleurs : « Ce n’est pas parce qu’on est en hiver qu’il n’y a plus de saison. »

Mes alliés du jour :

  • Mettre des lilas dans un vase et humer jusqu’à limite du dopage
  • Lire « La volonté de guérir » de Norman Cousins; feuilleter « Les femmes qui pensent sont dangereuses »
  • M’aromatiser d'eau de fleur d’oranger
  • Déguster un plat de légumes cuits à la marguerite : patates douces, cresson, endives, échalotes, gingembre et asperges, avec un filet d’huile d’olive, sur un mini-nid de riz basmati aux haricots noirs.
  • Photographier les bernaches qui ont eu des bébés.







vendredi 23 mai 2014

Le cancer n’est pas contagieux; l’amour, oui.

Je soutire les pétales de marguerites imaginaires : je continue, j’arrête, je continue, j’arrête, je cesse d’écrire sur ce blogue. Non,  je jouerai une fois la semaine;  zut! J’ai manqué de temps cette semaine;  je devrais me concentrer sur un plan d’avenir, un projet d’écriture bien ficelé, écouter mes personnages qui me racontent leurs histoires. Mais finalement, aussi bien le crier sur tous les toits, ça me manque un lectorat, que ce soit lors des jours grigris, ou plus pétillants; envie de sentir que je ne suis pas seule, égarée dans une forêt peuplée de dragons.

Écrire est un moment privilégié et doucereux où je peux partager les aléas du quotidien, les aventures de la vie, les bons coups qui nous font grandir, et qui nous propulsent vers la meilleure version de soi-même. Même au travers la râpeuse solitude lors d'un événement coriace.

Cette fois, je réintègre le clavier avec une nouvelle saison à traverser. Puisque je n’ai plus de garantie sur mon « body » (j’ai cherché dans mes archives et elle est expirée), je dois aller chez le réparateur, quelques fonctions à rénover. En fait, ce sera un été à passer dans les méandres hospitaliers. Six mois de chimiothérapie, de noms de produits médicaux impossibles à profiter au Scrabble.
  
J’ai demandé à ma doc si je pouvais avoir de la chimio bio, je suis fervente à la cause, j’ai dit. Elle a éclaté de rire, baskets aux pieds et génie dans la cervelle. Dévouée comme Theresa,  dans à peu près les mêmes installations vétustes, j’exagère à peine. Avec une équipe aux sourires accrochés aux lèvres. Disons que le diagnostic n’a pas le panache d’une pub pour le Club Med, mais les résultats se veulent efficaces, en constante évolution.  Et moi qui bouffe crucifères, thé vert japonais, petits fruits et curcumine, qui visualise et médite, qui agrippe les derniers bouquins sur la santé. Quelle jambe ça me fait!

L’idée est de fuir l’enlisement dans le pourquoi, mais se mobiliser sur le comment : ce qu’on fait avec ce que la Vie nous propose, le regard à déposer sur les événements inusités et incontrôlables qui se pointent sur le palier de notre entrée. Il s’avère que je vais explorer cette couleur ignorée de mon carnet de route, que je vais puiser dans mes ressources en tous genres. Et en découvrir des inédites. 

Et vous serez témoins de ces élans. De ces découvertes.  D’un magnolia en fleurs. Des alliés du quotidien quand on traverse un tsunami. Espérant vous offrir une dose de caféine ou de sérotonine, c'est selon.

Déjà, je suis vermillonnée de mon territoire amical. Des amies qui se pointent à l’hôpital, alors que je ne veux en aucun cas « déranger » ; des amies expérimentées de la vie et des radiations, de surcroît, qui t’amènent prendre un thé et te carillonnent dans les oreilles qu’elles sont là, qu’elles seront là. Des fleurs, de la tendresse, des attentions gracieuses, des mots qui s’infiltrent dans le cœur comme dans un canyon.  Et la famille, avec des racines qui vous permettent de rester debout quand la tempête vocifère avec frénésie, que les cieux sont sombres et hivernaux. J’ai ce qu’il faut comme bagage pour ce voyage, même si je trébucherai dans les nids-de-poule inévitables. Et dans l’invisible, quelque part, on se tiendra la main, se disant des mots doux les yeux fermés.


Mes alliés du jour :
Karin Kei Nagano, Mozart piano concertos pour piano nos 12 & 13, chez Analekta
Glenn Gould plays Renaissance & Baroque music, Sony
Prendre une marche en croquant une pomme, et ensuite mon thé vert japonais Sencha Megami envoyé par mon fils de Boston.

Aimé lire, comme un bon chocolat chaud (quand on tolère le chocolat):
Muchachas, tomes 1 et 2, de Katherine Pancol, Albin Michel, 2014
Le retour au Why Café, John P. Strelecky, Dauphin blanc, 2014
Le luthier, Alain Williamson, Dauphin blanc
Le cerveau de Bouddha : bonheur, amour et sagesse au temps des neurosciences, Rick Hanson, Les Arènes, 2011
Détours sur la route de Compostelle, Mylène Glibert-Dumas, vlb, 2014

Sur ma table de chevet, avec une doudou :
Premier appel pour le paradis, Mitch Albom, chez édito Gallimard, 2014
Monsieur Proust, Céleste Albaret, Laffont, 2014
Une autre idée du bonheur, Marc Lévy, Robert Laffont, 2014
Onze petites trahisons, recueil de nouvelles, Agnès Gruda, Boréal compact, 2011