vendredi 30 septembre 2011

Sauvons les meubles et la relation

C’est connu, vivre avec des adolescents est une expérience unique. Être parent, en soi, est une poussée nucléaire vers l’expansion ou l’aiguisage des nerfs, c’est selon.

Après la symbiose, les premiers pas, les multiples « non », les amis, l’amie de cœur, les négociations pour les sorties, le moment est venu où chacun de nous devait impérativement se retrouver dans sa grotte. Dans notre culture, on parle plutôt d’une pièce adaptée au cycle d’évolution du bipède en phase mollusque, branché par intraveineuse à l’informatique, c’est-à-dire une chambre.

Le lit à une place dans une coquette chambre maternellement décorée était déclaré complètement « out ». Long de ses six pieds, ou presque, il réclamait le rapatriement de ses outils essentiels dans sa zone privée et isolée, sauf pour le passage de la fée torchette. Son ordi, sa télé, un matelas très double, de quoi permettre d’écouter ses films avec son invitée et idéalement en y mangeant un spaghetti sauce Napolitaine sur la couette duveteuse. Pourquoi restreindre tant de créativité et de spontanéité? Interdire de croquer dans une pizza entre deux mails et une quête de World around Craft ? Que les parents peuvent être capricieux et despotes…

Toujours est-il que nous avons décidé d’édifier un mur dans le sous-sol afin d’y construire une nouvelle chambre, au goût du jour. (C’est vrai que ses pieds dépassaient du lit.) Des amis ont débarqué avec les matériaux essentiels, solives, feuilles de gypse et spatules. Une amie s’est lancée avec ses pinceaux et rouleaux, cartons de nuanciers comme discussion au déjeuner. Le choix des couleurs et des accessoires semblaient complètement burlesques pour le principal requérant. Et le barda qui en découlait n’a pas mobilisé un iota de son horaire chargé. Maman Picotine et Gi ont magasiné, nettoyé, décoré et aménagé.


Une fois les meubles disposés, hier, à bout de souffle, j’ai exigé une présentation théâtrale à la « Décore ta vie ». Bon, il était épargné de la scène de sanglots et de cris, mais tout juste. Il devait s’exprimer en mots et phrases complètes, compréhensibles et avec intonation de stupéfaction. Grognements rauques s’abstenir.

Ce sera le dernier week-end du tourbillon d’aménagement de la maison. Après cela, on s’installera dans notre nouveau salon télé et nous écouterons des films en rafale.
 Des meubles à offrir seront annoncés, chaque objet aura désormais sa place et sa couleur définie. Et un conseil de famille est décrété pour les inédites règles de partage des tâches. (« Oh non, pas encore kékechoz à faâââââîre ». Ben oui, la vie n’est finalement pas autonettoyante, le frigo refuse de cuisiner des plats, la fée torchette a perdu ses plumes et menace de se syndiquer.

Un magnifique week-end à venir!

lundi 26 septembre 2011

Maman a la varicelle!

Dans le branle-bas des nouveaux aménagements, peinture, rangement, accessoires de déco et compagnie, j’ai cru que la petite plaque rougeâtre qui ornait mon dos signalait qu’un produit avait déversé sur moi sa toxicité. Nous avons passé au crible tout ce que j’avais mangé, respiré, touché, et bu. Non, ce n’était sûrement pas le bon vin ouvert au souper la veille pour inaugurer la salle de bain, version améliorée, couleur rouge jujube. Ayant peu dormi pendant ce tourbillon prénommé « le syndrome du tantqu’à » (poursuite vers le hall d’entrée, la garde-robe, construction d'une chambre au sous-sol), le survoltage était peut-être la cause de cet érythème, façon polie de m’envoyer des signes de feu pour me dire de me calmer le pompon.

Cette « brûlure » s’est soudainement dispersée, multipliée, décuplée à la vitesse TGV pour couvrir une bonne partie du corps. Le rouge est devenu incandescent, et j’avais l’impression d’être installée sur une plaque à biscuits dans un four à « broil ». Des voisins m’ont demandé, en s’éloignant un peu, ce qui m’arrivait. Mon fils est revenu de l’école, en poussant un « beurk » guttural :

- « Késé qu’ t’as? C’est ben dégueu. Non! C'est pas vrai! Ma mère a la varicelle!
- « Va voir le médecin au plus vite, de me conseiller mes anges de l’entretien domestique. On dirait de l’herbe à poux! »

Bref, devant tant de frénésie face aux cloques qui pullulaient, ce qui d'emblée exacerbait mon hypocondrie naturelle, j’ai couru au cabinet du médecin.

- « Ohhhhhhhhhhhhhhh! Qu'elle s'est exclamée en m’apercevant sous les néons enjoliveurs de teint. C’est un virus, un pityriasis rosé de Gilbert. Ce n’est pas dangereux, ni contagieux, seulement incommodant. (Vraiment? J’avais envie de me déchirer l’enveloppe cutanée). Il n’y a qu’à attendre que ça passe. Évitez d’avoir chaud. (Je suis en pleine ménopause). Le hic, c’est que ça dure de trois à six semaines. Êtes-vous mannequin? (?!?) Ce serait la seule raison de proposer des antibiotiques, si vous ne pouvez tolérer le rash pendant tout ce temps. »
Je porte un pashmina lorsque je fais des courses, histoire de ne pas affoler l’entourage. Et il fait un soleil de plomb. Si le regard bifurque sur mes décorations de Gilbert, je répète que je ne suis pas contagieuse.

Mais j’avoue que c’est un peu dégueu. L’occasion m’est donnée de développer ma patience et ma compassion envers tous les enfants en crise de varicelle ou d’eczéma. La retenue de gratouille est pénible, et le miroir est à éviter. Raison évidente de gratter le clavier avec frénésie.

lundi 19 septembre 2011

Des baskets et des citrouilles

Je me suis endormie dès que la porte de la maisonnée s’est refermée, une fois le carrosse de Cendrillon et ses maîtres revenus au refuge. La flanelle de la maternité m’invitait depuis un bon moment à sombrer dans les bras de Morphée, mais je préfère mes ouailles rentrées au bercail avant de m’abandonner à tous rêves.

Habituellement, ce mouvement de retour est associé à un branle-bas de combat dans la cuisine. Ils ont faim, toujours, peu importe l’heure du jour ou de la nuit. En fait, dès qu’ils sont éveillés, et Dieu sait à quel point les heures d’éveil sont au palmarès, la porte du frigo s’ouvre et se ferme. Mais ce soir-là, étrangement, ils ont déserté le lieu de la boustifaille. J’ai cru qu’une vague de sagesse en vue d’un équilibre -vie diurne et nocturne- avait frôlé leur appétit.

C’est au petit matin que j’ai été surprise. Dans l’entrée, allant chercher mon journal, les yeux embrouillés, j'ai trébuché sur des objets non identifiés. J’ai constaté le nombre de baskets. La quantité surpassait la somme de pieds de mes enfants. La famille s’était peuplée d’amis, les cartons vides de pizza en faisant foi. D’où le silence de plomb la veille, puisque je tente désespérément d’interdire les orgies de bouffe dans leur bunker.


Ou bien je laissais la moutarde me monter au nez — et il était trop tôt, je préfère le beurre d’amande —, le second choix étant de profiter d’un toit truffé de camaraderie festive. Quel était le problème? Désordre, douches décuplées et lessives en cascade, frittata géante à préparer au lever des corps. Ce n’est rien de catastrophique, en réalité. Il paraît même que c’est de cela qu’on s’ennuie lorsqu’ils quittent la maison. Aussi bien en jouir.

Cette animation m’a donné l’idée de rendre grâce. De savourer la récolte. Une immense tablée pour l’Action de grâce, avec amis et famille de tout acabit. En l’espace de quelques secondes, la perspective s’est métamorphosée avec des images de citrouilles, de courges, de dinde rôtie, de coupes qui tintent de rouge. C’est devenu grisant.

Récolte, oeuvre de Denise Lefebvre
Tout ça à cause des baskets! J’ai repris un dernier thé en fouillant dans mes livres de recettes et commencé l’organisation.

mercredi 14 septembre 2011

Toute qu'une galère!

C’est vrai, mettre au monde des enfants, les veiller, les allaiter, les nourrir, les bercer, les consoler, les abriter et éduquer, c’est souvent, différent de nos espérances… qui se déclinaient plutôt dans une palette pastel de naïveté, sur des images léchées de bonheur absolu.
C’est vrai, aussi, que dans des conditions favorables, nous nageons dans certains instants de béatitude, d’émerveillement et de joie. Mais la réalité étant ce qu’elle est, les nuits blanches, les coliques, les comptes à payer, le chien du voisin qui ne cesse de japper et réveille notre trésor si chèrement endormi, en plein post-partum, favorise parfois un risque légitime de pétage de plombs.

Dans ces moments-là, une présence rassurante est requise et salutaire. Une personne d’expérience qui viendra offrir son support, qu’il soit technique ou bienveillant. Un plat réconfortant, une opération rangement et lessive, une approche pour mieux s’y prendre pour allaiter, ou encore une promenade en poussette pendant que maman fait une sieste.

On a aussi besoin de modèles qui finissent par s’en sortir, qui nous font comprendre que ce n’est qu’un passage, une traversée, une initiation. Si la télé persiste dans un canevas où il n'y a pas d’issue, que ça peut devenir pire que chez nous, que la mère va possiblement ne plus répondre d’elle-même, où donc trouver un exutoire et une représentation encourageante?

La première émission de la saison de « La Galère » a peut-être voulu dénoncer cette partie sombre de la réalité, qui malheureusement existe. Mais je me questionne sur l’image nuisible concernant l’allaitement et la maternité. Qui aurait envie d’allaiter après avoir visionné la première d’hier soir? Comment se traduit l’aide requise des amies et de l’entourage?


On a souri pendant la parodie de la berceuse. Mais un peu jaune. Le crescendo m’a fait frissonner, quinze secondes d’intensité de trop. Et le cœur nous a serrés devant la scène de désespoir et d’impatience de la mère. De grâce, pas d’images bouleversantes qui généreront des angoisses à celles qui vivent ce passage difficilement, et ce, dans la noire solitude. Il existe déjà trop de petits anges meurtris.

Je m’interroge à nouveau sur l’impact des modèles télévisés. Dénoncer, provoquer, je veux bien. Mais peut-on aussi faire une place aux solutions porteuses? Les personnages ont un pouvoir sur notre imaginaire, et ils pourraient devenir un ressort vers une vie plus harmonieuse, tout en nous faisant sentir qu’on est enfin compris.

mardi 13 septembre 2011

Des courgettes et fines herbes sur notre toit

Des poules dans la cour, un jardin sur la tête. Accrochons-nous aux bonnes nouvelles, les génies aux idées constructrices existent encore! J’ai lu dans mon canard préféré (Le Devoir, 12 septembre) qu’on récolte des légumes sur la couverture des édifices montréalais. À l’abri des pesticides, des herbicides et OMG, les fermes Lufa ont mis sur pied une serre sur un toit commercial. Nous sommes dans une version plus écologique que jamais. Déjà, une centaine de foyers se nourrissent avec ses légumes et fines herbes.

Jacques Nadeau, Le Devoir
Le système a trouvé preneur auprès d’une compagnie de construction, Dario Montoni, et l’implantation fait des petits. Ce partenariat, qui semblait complètement insolite il y a quelques années, permettra de produire des légumes à environ 5000 familles avec l’aménagement de deux autres fermes d’ici 2012.

Dans dix ans, nous pouvons désormais imaginer aller récolter nos paniers bios sur notre toit, à un coût moins affolant que maintenant, en plus d’isoler la maison et d’offrir un peu d’air aux poumons de la planète!
C’est une version « upgradée » des arpents verts!
Un monde à découvrir. Lol.

vendredi 9 septembre 2011

Où étais-je le 11 septembre 2001?

Je venais d’aller reconduire les enfants à l’école. À pied. Dans l’allégresse. Pour une fois depuis plusieurs années, je n’étais pas branchée sur les 220 volts, girouettant entre les multitâches attribuées à ladite conciliation travail-famille. Je jubilais devant ma décision de prendre une année de congé – professionnel — pour vivre au rythme décent d’une maisonnée d’enfants inscrits en première et deuxième année du primaire, et l’aîné en première secondaire. Ces années transitoires me paraissaient cruciales, et afin d’éviter l’hystérie, je serais présente pour les repas, les devoirs, les réunions de parents, les bêtes, les courses et tout le tralala.

Devant cette plage ignorée de temps libre, j’avais rendez-vous avec une amie sur une terrasse de la rue Bernard. Je découvrais que je pouvais être zen et que la maternité avait la robe légère. Le soleil brillait de nos conversations – non hachées — et je jubilais avec mon café au lait et chausson aux pommes. Soudainement, les passants se sont mis à jacasser de plus en plus fort, s’adressant aux inconnus pour exprimer leur fébrilité. L'intensité était palpable. C’est ainsi que j’ai appris qu’un avion venait de fendre une tour du World Trade Center, coup terroriste orchestré contre les États-Unis. Ça semblait complètement irréaliste, au point où j’ai partagé la réflexion à ma copine qu’il devait s’agir du phénomène du téléphone arabe (sans jeu de mots).

C’est en revenant en voiture, dans ma zone du 450, que j’ai saisi l’inconcevable. Les nouvelles décrivaient, avec la panique dans la voix, les événements qui resteront gravés dans notre mémoire collective. Des images en boucle, sur toutes les chaînes de télévision, telle de la science-fiction d’un jeu vidéo, nous ont percutés, et ce, des mois durant. La sécurité abolie en quelques minutes. Les invincibles n’étaient plus. 
De là est né, je crois, le crescendo vers le cocooning, le dedans, le nid, l’importance de rentrer chez soi ¬quand on en a un— , avec une immense gratitude, bien sûr.

ADMIRÉ :
Life in photographs, de Linda McCartney (Taschen), 2011. La muse, celle qui a abandonné sa carrière de photographe, épuisée des critiques, pour poursuivre son art avec les siens. Elle a préféré être témoin du quotidien. Des photos sublimes, extraordinaires. Ces pellicules semblent ne pas choisir d’immortaliser, mais bien de vibrer à ce qui est là, à ce qui est en train de se vivre. Paul, les enfants, au bain comme à la ferme, en délectant un verre de vin comme en éclatant de rire. Pas de mises en scène. La vie telle qu’elle se croque.

Ça me donne envie de revoir les films Une saveur de passion, (version du livre Chocolat amer, Laura Esquivel) et Le festin de Babette, histoire de savourer ce qu’il reste de nous…

jeudi 1 septembre 2011

Et le plaisir dans tout ça?

Ce n’est que le premier jour de septembre. Évitons l’affolement en se rappelant qu’il en reste vingt-neuf autres au calendrier du mois.
Bien sûr, il faudrait amorcer un programme d’entraînement, organiser une structure fonctionnelle pour les repas et les lunchs, introduire le quinoa, inscrire la méditation et l’écriture de son journal dans l’horaire quotidien, diminuer notre empreinte écologique, se fixer des objectifs – et les réaliser- , dénicher un designer qui saura renouveler notre garde-robe et la coupe de cheveux, être à la page des parutions livresques et cinématographiques, peut-être chanter dans une chorale, planifier les vacances de Noël (oui, oui, je connais des gens qui s’attablent à la fête du Travail pour réserver), prendre soin de sa famille et le summum, de soi-même, pratiquer la marche dans la nature, limiter la caféine et les apéros tout en privilégiant les antioxydants.


Eh! Le plaisir dans tout ça? Semble répondre l'instinct joyeux, celui qui réclame un peu de lest…(Je le représente par la petite bête amusante de cette sculpture).


Je crois qu’on devrait canaliser les élans de septembre, se concentrer sur l’essentiel, et prioriser le plaisir. Et relire « La vie est cool », de Neil Pasricha, en sirotant un bon thé, après avoir visionné une comédie.

Notre système nerveux serait extrêmement reconnaissant qu’on rédige un listing de choses qui nous font sourire et rire plutôt que cette effrayante liste « À FAIRE » aimantée sur le frigo. Et avec notre bénédiction, apprenons à élucider les vraies urgences et à cocooner un peu plus…

C’est un investissement rentable, à l’abri des récessions, garanti.