lundi 28 février 2011

Le rêve d'Oscar

À moins d’avoir signé un pacte avec l’egol'Homme moderne recherche d'une façon ou d'une autre la validation de son accomplissement dans le regard de l’Autre, à priori de celui qui fait image d’autorité : le parent, aux premières loges, ensuite l’enseignant, le tuteur, l’entraîneur, le mentor, l’employeur, le patron, et quelquefois, le jury. Les artistes sont encore plus vulnérables aux rituels de reconnaissance, car il est alors question de financement, ce qui offre, dans la foulée, des possibilités de se consacrer à leur art.


Nous avons tous espéré qu’oncle Oscar lègue cette poudre de perlimpinpin bien méritée au-dessus du film Incendies, réalisé par Denis Villeneuve. Il a préféré le neveu au cousin d’une parenté plus éloignée.
 Cela dit, le génie du cinéaste demeure, avec ou sans statuette sur le rebord de la cheminée. Le tapis rouge de la création et « de tous les possibles » est désormais déroulé. Il est source d’inspiration. Puissions-nous reconnaître et soutenir les talents exceptionnels de nos artistes et créateurs de chez nous, des plus célèbres jusqu’aux inconnus tapis dans l’ombre. Puisque ça commence à sentir les promesses électorales, nous avons la conjoncture pour mettre en lumière l’importance de la culture sur le parvis de notre identité collective, de sonner les cloches et de reconnaître, enfin, les retombées inestimables de la création artistique.

Je me demande si Monsieur Harper a visionné Incendies ou s'il croit qu’il s’agit d’un programme pour camoufler certains choix politiques qui sentent le feu...

lundi 21 février 2011

Chercher et être au courant

Nos dirigeants installent de plus en plus une toile de choix qui aura des conséquences majeures dans les années à venir, et cela, dans l'opacité évidente. Tous les projets qui concernent les énergies renouvelables, au Québec, vont à l'encontre de la préservation de nos ressources naturelles et de son écosystème. C'est plus que préoccupant.

Le film Chercher le courant arbore une lentille macroscopique sur la situation. On y présente les effets du futur barrage qui saccagera l'opulente Romaine, le coût que les contribuables assumeront - puisqu'on vendra à perte l'électricité aux États-Unis-, en plus de la perdition de notre richesse naturelle. On y décrit aussi toutes les alternatives possibles qui s'offrent à nous: énergie éolienne, géothermie, biogaz, énergie solaire.

Déjà, avec l'extrait du film, on ne porte plus le même regard sur notre avenir. Nous devenons plus éclairés et conscients de la situation. On attend avec impatience que le visionnement du film soit accessible à toute la population - deux distributeurs semblent intéressés-, et que nous demeurions debouts, les deux pieds dans l'or bleu de notre territoire sacré.

jeudi 17 février 2011

Rebondir

Il y a des moments moches, gris, essorés et grafignés. Comme si pendant la nuit, des graffitis s’étaient craqués sur le mur de nos espérances. La vie est ainsi faite, du cycle lunaire, des saisons, du froid de l’hiver, des échecs et des parcours qui perdent le nord.


Ce que j’apprécie, toutefois, c’est notre capacité à rebondir ou, du moins, à se prendre soin. J’ai découvert les vertus du compostage lié à l’accueil de ce qui surgit, de ce qui est dessiné dans la nuit, à ce qui émerge et nous surprend. À partir de là, la mouture se transforme et devient plus digeste, nos actions s’alignent et des saveurs nouvelles se déposent sur nos papilles.

Dans un moment de panne d’énergie, j’ai revisité les contes. Qui a dit que les contes étaient l’apanage des tout-petits? Je ne sais pourquoi, on réserve cette activité ludique à un acte pédagogique auprès et en présence des enfants. J’ai expérimenté ce pur délice. SE lire un conte d’Andersen, de Grimm, de Perrault, c’est comme nager dans une fontaine de Jouvence pour le cœur et l’âme, l’équivalent d’un baume pour le corps endolori ou malade. J’ai poussé l’audace jusqu’à nous offrir, ma fille et moi, la nouvelle édition Les Quatre Filles du docteur March, en vue d’un moment de bienveillance. Les illustrations sont magnifiques et le fait de replonger dans un classique d’enfance apporte un éclairage nouveau. L’on sait d’où l’on vient, et l’on envisage la destination à venir. Cela nous aide à rebondir.

Les plus beaux contes de mon enfance, Hachette/ Deux coqs d’or, 2010
Les Quatre filles du docteur March, Louisa May Alcott, Gründ, 2010


Parlant de rebondir, j’ai cherché à persifler le grisâtre de mon état cadavérique des derniers jours. À la lecture de contes, à la salutaire sieste et à une cure de sommeil, j’ai ajouté un potage de persil. Bourré de fer et de minéraux, ça ajoute des couleurs aux joues et une vision des choses plus vitaminée.

Ingrédients :

1 botte de persil coupée et hachée
1 oignon haché
2 branches de céleri
1 gousse d’ail hachée
1 pomme de terre en petits cubes
1 litre de bouillon de légumes
½ tasse de lait de riz
Huile d’olive, curcuma et Herbamare (sel aux herbes aromatiques), au goût

Faites sauter l’oignon et l’ail dans l’huile d’olive. Ajouter la pomme de terre et le persil. Aromatiser en mélangeant le tout. Ajouter le bouillon et laisser mijoter une trentaine de minutes. Passer au mélangeur. Remettre dans la casserole et ajouter le lait de riz. Servir avec des galettes de riz garnies d’humus (purée de pois chiches). La vie est complète. La journée sera bonne.

samedi 12 février 2011

Mon délicieux Valentin*

C'est un être branché. Il aime l'eau, peut y tremper des heures, et adore faire la grasse matinée. Il se pavane, à moitié nu dans la cuisine. Lorsqu'on mange avec lui, le sel est de mise. Il devient anxieux lorsque vient le moment de choisir entre le beurre et l'huile d'olive. Chacun ses dilemmes dans la vie.


Teint blafard, il joue le rescapé. Il a beau être niché en hauteur, on ne peut s'en servir comme pilier car trop sensible. Il est du genre à verser une larme devant un oignon, et pour garder son honneur, il plonge de façon malhabile dans la page des sports, toute compétition confondue.

Il est solitaire, végétarien à tendance anorexique, et se sent rejet devant ses confrères plus costauds et coriaces. Il n'a jamais réussi à se lier d'amitié avec le sandwich, le conflit est ouvert. Les pommes de terre règnent dans sa vie pour tempérer ses angoisses.

On dirait toujours qu'il est sur le point d'éclater en sanglots. C'est qu'il est vert de jalousie. Il en veut cruellement aux épinards qui sont naturellement bourrés de chlorophylle. Lorsqu'il se sent négligé, il reparle sans cesse de sa photo où il est entouré de tulle, dans un numéro spécial de Martha Stewart Living.

Avec ses feuilles ébouriffées de tout son plant, serait-il en pleine crise de puberté, doté d'une voix grésillante lorsqu'il est sous les feux?

Pourtant, une fois descendu de son piédestal, avec sa chevelure toute garnie, il nous étonne avec son délicat parfum qui ravive nos papilles. C'est qu'il est secret et empreint de simplicité. C'est un sujet à réflexion. Le piquant n'est pas dans ses gènes, c'est un timide.

Puisque la nature nous offre tant de personnalités, on dira ce qu'on voudra, le céleri a sa place unique dans un festin. Ce sera mon thème pour la Saint-Valentin, cette année.

Velouté de céleri aux pommes

Ingrédients:

2 c. soupe huile d'olive
2 blancs de poireaux émincés (ou 1 oignon)
1 litre de bouillon de poulet ou de légumes (bio)
6 branches de céleri hachées
2 pommes de terre (à chair jaune) coupées en morceaux
2 pommes rouges
Sel, poivre, une pincée de curcuma, persil frais haché (ou autre verdure que jalouse le céleri)

Faites chauffer l'huile et y revenir les poireaux. Ajouter le céleri, les pommes de terre et les pommes. Bien mélanger en aromatisant avec les épices. Introduire le bouillon et amener à ébullition, puis laisser mijoter environ trente à quarante minutes. Réduire en purée au mélangeur. Au goût, garnir de tranches de pommes et de persil haché.


* Ce texte est un remake revisité de Chacun sa personnalité, publié en février 2010. Les bonnes saveurs méritent leur place en répétition.

vendredi 11 février 2011

À moi, de moi, avec amour

Pour être en mesure d’apprécier toutes les nuances savoureuses de l’amour, entre parenthèses ou en italique, il faut d’abord commencer par se traiter soi-même avec douceur, compréhension et bienveillance. Sinon, tous les tentacules gestuels, malgré les meilleures intentions, ne pourront atteindre le plus timide des édens.


En ce week-end de St-Valentin, je m’offrirai donc :

Un moment de lecture avec Doris Lessing, Un enfant de l’amour, prix Nobel de littérature 2007, publié chez Flammarion

Un moment de repos, à prendre un thé près du feu, en feuilletant Mon dernier repas, 50 grands chefs et leur repas ultime, de Melanie Dunea, AdA. Une œuvre d’art pour les yeux et les papilles.Et si j’ai une once de culpabilité, je me rappellerai cette phrase de Katagiri Roshi: « C’est un geste très profond que de prendre une tasse de thé ».

Un congé de repas : le chéri ira chercher des sushis pour les filles et un je-ne-sais-quoi pour les gars.

Et si par mégarde j’ai une attaque de ménage de la garde-robe d’entrée, je m’apprêterai un jus vert avec l’extracteur, en remerciant Colombe Plante pour son livre Les jus santé, en écoutant Blossom Dearie.

Ingrédients :

2 à 3 choux de Bruxelles
2 à 3 feuilles de verdure (laitue ou bette à carde)
1 petit zucchini
Germinations (lentilles, haricots mungo ou pois verts)
1 branche de céleri


jeudi 10 février 2011

Du bio, du gaz de schiste et des poissons sous antidépresseurs

On estime qu’environ un quart des Montréalais prend des antidépresseurs comme le Prozac. Une étude qui vient d’être publiée (dans le site Internet Chemosphere) relate les résultats de recherche d’une équipe de scientifiques de l’Université de Montréal : des traces d’antidépresseurs se retrouvent dans les poissons du fleuve Saint-Laurent. Il semble que les systèmes de traitement des eaux ne permettent pas de les éliminer.


Plutôt que de se questionner sur les façons de prévenir la maladie et la prise de médicaments en favorisant une qualité de vie, soit par un rythme plus décent, de meilleures conditions de travail, une alimentation plus saine, l’accès à l’aide psychologique, à la coopération, le choix de valeurs autre que le pouvoir et la richesse financière, les autorités nous rassurent sur le peu de danger pour notre santé à ingérer notre faune aquatique.

Notre réflexion collective concernant notre nutrition semble toutefois démontrer peu à peu une nouvelle conscientisation. Lorsque nous prenons position, le potentiel commercial ne peut que s’y intéresser s’il veut rester dans la course. En mars prochain, par exemple, Québec lancera une campagne pour promouvoir le logo bio Québec. Cette catégorie d’aliments connaît une poussée de croissance depuis 10 ans : les ventes au détail ont augmenté de 66%, sauf que 70% proviennent de l’extérieur du Québec. Un plan d’action a été élaboré avec des objectifs concrets : 20% plus de superficies cultivées d’ici 2015. Le budget est d’environ 8 millions. Le MAPAQ veut donner un élan à ceux qui y croient. Il ne reste qu’à nous, consommateurs, à choisir de bouffer « vrai », sans hormones, sans pesticides, et le plus local possible. Demandons sur tous les tons et encourageons nos producteurs.
Dans notre dossier engagement, nous avons été 128 000 citoyennes et citoyens à signer une pétition réclamant un moratoire sur l’exploitation des gaz de schiste. Notre quête pour vivre dans un pays qu’on espère plus vert sera de longue haleine. Personne ne rêve de voir s'enflammer son verre d’eau fraîchement sorti du robinet. Au moment où j’écris ces lignes, PetroChina annonce le rachat de la moitié d'un gisement de gaz de schiste du canadien Encana pour 5,4 milliards de dollars canadiens. Notion de persévérance 101.

« Les questions rassemblent, les réponses divisent ». Éric -Emmanuel Schmitt n’a jamais aussi bien dit.

mercredi 9 février 2011

Saint-Valentin en famille

Je sais, les magasins regorgent de chocolats plus indigestes les uns que les autres, d’affiches criardes d’un rouge douteux, de promotions de bijoux à la « Castafiore », de sous-vêtements soi-disant affriolants qui provoquent de l'urticaire dès qu'on les enfile. Pathétique. Chez-nous, c’est différent. Les festivités commerciales revêtent un autre goût, pas nécessairement celui à la mode, et nous aimons le déguster en famille. Chose certaine, le ton est joyeux.
Étrangement, j’apprécie tout de même les rappels sociaux périodiques de moments à souligner- même si tout cela a pour but des gains bassement matérialistes-. J’en profite pour célébrer, point à la ligne. Et je reviens à coup sûr à mes amours de cuisine.

Mon chéri m’a donc invité à garnir mon bouquet d’accessoires de travail de cuisine, après avoir été séduit par le dernier repas – en pleine semaine, en plein midi, comme il dit- : pourtant, tout me semblait simple. Un riz germé ( Tru roots organic), au préalable sauté dans l’huile d’olive avec la moitié d’une échalote hachée, du poivre et du sel rose, qu’on laisse mijoter une trentaine de minutes. On y ajoute, quelques minutes avant la fin de cuisson, du persil frais haché. Pendant ce temps, entre deux phrases d’un texte, j’ai fait cuire et mis en purée une patate douce, trois carottes, de la fleur d’ail et l’autre moitié d’échalote. Pour garnir, une cuisse de pintade confite partagée en deux, provenant des volailles d’Angèle - sans hormones, ni antibiotiques, ni pesticides-. Le chéri était conquis.

Je reviens donc au choix de mon accessoire de cuisine convoité: une planche de travail en bois, élément que je désire depuis longtemps. Luxe, douceur et volupté, je considérais que c’était trop dispendieux et non obligé. Mais je n’ai pu résister à l’invitation lors d’une trouvaille dans un magasin d’entrepôt de Saint-Sauveur.

Au comble du bonheur, je suis revenue haletante d’avoir transporté la chose, appelée désormais ma méga Valentine 2011. Puisque je ne fais rien à moitié, la planche doit peser cinq kilos et mesurer un mètre carré. Elle ne peut être rangée dans l’armoire, trop volumineuse. Le chéri a cru un instant que j’avais acheté un nouveau comptoir de cuisine. Les enfants m’ont demandé si on amorçait des rénovations. N’est-ce pas festif? Un simple bout de bois, des rires, de l’autodérision, des mets encore plus succulents.

Pour garnir cette occasion, j’ai fait appel à mon Oméga (extracteur à jus), et mis dans ses entrailles deux branches de céleri, trois feuilles de bettes à carde, de l’herbe de blé, une pomme- évidemment de culture biologique-. J’ai déposé le nectar vert dans des bulles à vin rouge. Nous avons dégusté le cadeau de la Terre. Et clôturé la soirée en buvant et écoutant un thé pour deux.



À découvrir :

Les volailles d’Angèle, Saint-Esprit (Autoroute 25 nord, sortie au restaurant Le Survenant, moins de 1 km à l’est)
Épicerie La Moisson, à Ste-Thérèse (juste à la sortie 23 de l’autoroute 15)

mardi 8 février 2011

Deux légumes et une saveur limée de plaisir

Il y a de ces moments dans la vie où je crois vraiment que le bonheur se présente à travers les petites choses, miniaturisées, voire lilliputiennes. C’est souvent dans ma cuisine qu’il se manifeste, sous le signe du soleil, de la grisaille, ou des bourrasques de vent. Il m’espionne. Dès les premiers gestes de lassitude ou de nostalgie, il laisse embaumer ses fines herbes, ou sa curcumine, ou encore m’invite à extraire ce nectar de jus vert qui procure assez d’énergie pour être en compétition avec le rendement anticipé de l’exploitation des gaz de schiste, la toxicité en moins.

Prenons par exemple les asperges. Savoureuses et élégantes, elles nous offrent un cachet santé inexploré jusqu’à ce jour, avec ses vertus anti cancérigènes. Cuites à la vapeur quelques minutes, tout au plus, arrosées d’un filet d’huile de noisette et parsemées de fleur de sel, elles peuvent nous rendre le sourire sur-le-champ.

La courge spaghetti, quant à elle, semble insignifiante. Lourde de conséquences dans nos sacs, il suffit de connaître ses points faibles pour qu’elle se transforme en un repas festif. Coupée en deux dans le sens de la longueur, vous déposez les deux parties sur une plaque à biscuits recouverte de papier parchemin. Le four préchauffé à 350 degrés F, vous bénéficiez de quarante-cinq minutes pour aller aussi cuire dans un bain. Par contre, vous seul avez l’opportunité d’y adjoindre quelques gouttes d’huile essentielle de bergamote dans une cuillérée à table d’huile d’amande douce.

Une fois cuites, vous et votre courge, vous effilochez cette bête de légume et la déposer dans un grand bol. Laissez refroidir quelques instants. Pendant ce temps, faites sauter un oignon rouge coupé et émincé dans de l’huile d’olive.

Dans votre récipient de courge, ajoutez un œuf légèrement battu, sel et poivre de qualité, persil haché, l’oignon cuit, de l’origan frais haché et environ ¼ de tasse de cheddar râpé (ou de tofu mou pour les personnes intolérantes aux produits laitiers). Déposer le tout dans un plat à gratin ou à tarte, en intégrant un nid de thon au centre. Le plaisir, c’est qu’il vous reste des légumes cuits de la veille, que vous dresserez tout autour du cercle de thon, de manière astucieuse et colorée. Dans un four préchauffé à 375 degrés F, glissez-y votre trouvaille pendant trente à quarante minutes environ.

Deux légumes et un plaisir revisité : les asperges viendront diagonalement faire honneur à la fausse tarte à la courge spaghetti. Un riz basmati serait heureux de se joindre à vous.
Limettier de Blanche
Beau et enthousiasmant comme le limettier de Blanche. Vous cherchez le lien? Chaque fois que je lui parle, ça goûte la félicité. Blanche est mon amie artiste qui peint de sublimes mandalas et qui enjolive ses mets avec son limettier. Et elle ne vit pas en Amazonie, mais bien en Estrie. Je vous jure que son plant produit des fruits qu’elle intègre dans ses repas santé. La preuve qu’il existe des saveurs de plaisir inexploré qui nous guettent dans tous les recoins de la cuisine.

À découvrir : http://www.blanchemandalas.com/


Épicure, Galerie philosophe, oeuvre de Blanche Paquette, 2009


À lire : La soupe de Kafka, de Mark Crick

mercredi 2 février 2011

Une tempête et des enfants

L’avantage de travailler à la maison, c'est le fait que les jours de tempêtes prennent un air féérique. Je suis bien installée au salon devant un feu crépitant préparé par mon chéri à l’aube. Quel réveil! Les fenêtres blanchies par cette neige poudreuse, encore en pyjama de flanelle, une théière de kuhicha japonais, un fond d’opéra chanté par Cecilia Bartoli, Sospiri, et me voilà donc d’aplomb pour amorcer ce mercredi 2 février, jour de la marmotte. (Réussira-t-elle à sortir de son trou recouvert de 60 cm de neige ?).


Cette tempête, comme toutes les autres, est annoncée dans les cuisines de tous les foyers. Il suffit d’être le moindrement attentif aux signes, et on est assuré qu’il y aura blizzard, orages ou quelconques variations atmosphériques. Les météorologues ont-ils des enfants? Se fient-ils davantage à leur radar mathématique? Depuis que je vis avec eux, je sens venir et je perçois le moment où s’abattra la fougue de mère Nature. Demandez cela à n’importe quel enseignant. Rien de mieux qu’une vingtaine d’écoliers pour vous prévenir de la température à venir. Hier, par exemple, un souper annonciateur. Les folies, les rires, les tirades, les blagues audacieuses, le désordre. Je me questionnais à savoir ce qui se passait chez nous, jusqu’à ce que je réalise qu’on avisait d’une tempête. Voilà! Cette prédiction est bien plus efficace que le canal Météomédia, toutes mes excuses à cette science qui s’avère inexacte plus souvent qu’à son tour.

Je rends grâce à notre pays d’être tout de même équipé pour affronter les aléas de l’hiver. On ne peut pas en dire autant de nos voisins qui seront aux prises avec des difficultés majeures d’organisation, ce qui n’est pas de l’ordre du paysage de carte postale.

Ici, c’est une journée enchanteresse et je la savoure, flocon par flocon. Je me laisserai inspirer par mon personnage Magella.

mardi 1 février 2011

Les replis d'une bibliothèque

Le vide, après le chaos rétabli. Je ne veux pas insinuer que le changement est nécessairement de l’ordre du combat, mais disons qu’il remplit tout l’espace et gobe l’énergie des créateurs de la transformation. Une fois la nouveauté réalisée, un moment de contemplation nous submerge. Vient subséquemment le soupir de soulagement et de satisfaction devant le dernier ordre. Ensuite s’étale le vide.


Les amis « castors bricoleurs » ayant déserté la maison, je me retrouve seule avec l’inédite atmosphère. Comme si je n’étais pas tout à fait chez moi, je tourne le regard vers la zone non touchée — celle qui nous supplie de lui refaire une beauté — pour être bien certaine de me reconnaître. C’est fou ce qu’on trouve nos repères dans le connu. Ma bibliothèque, fraîchement rangée, semble m’inviter à y retourner pour insuffler de la vie là-dedans. Les auteurs, attendant patiemment d’être mis à l’agenda, ont cru un instant que je plongerais une nouvelle fois dans leur univers, ou, pour ceux qui espèrent être lus, qu’enfin je leur consacrerais le temps nécessaire à une fabuleuse rencontre. Cruellement, ils ont subi le classement générique, par concept et ensuite par stature, pour reprendre une place cordée et dépoussiérée. J’ai tout de même pris conscience de la richesse d’une bibliothèque. De jour comme de nuit, elle veille sur les songes et les peurs, fait le pied de grue dans la pièce où on l’a plantée. Des milliers de récits, de personnages et de réflexions, constamment à notre portée. Certaines histoires sont de passage, d’autres nous font la leçon, nous éclairent sur la route à suivre, nous répondent par le reflet de notre vie.

J’ai donc signalé aux œuvres et à leurs auteurs, par le truchement d’un reclassement – livres non lus sur une tablette en vedette —, que je les visiterais et les chérirais bientôt. Comment tolérer que cette vie fourmillante soit fourbue et retenue dans le bois de l’oubli. Et pour rendre hommage à l’intemporalité de l’art et de la littérature, et pour les habitants des pays où l’on doit se battre pour avoir le droit d’exister, je relirai Le quatuor d’Alexandrie, de Lawrence Durrell. Pour immortaliser ce qui restera de l’Égypte.