jeudi 28 octobre 2010

Entre la cuisine et les valises

Je tourbillonne entre les valises et la cuisinière. Je prépare des plats mijotés tout-en-un pour les ados qui resteront à la maison avec l’aîné et sa blonde, pendant notre repos. C’est une première. J’imagine qu’à 23 ans, 17 ans et 15 ans, on est assez « matures » pour mettre au four un repas où la tâche la plus complexe consiste à choisir entre les propositions et ensuite, prévoir de le décongeler la veille au frigo. J’ai évidemment investi sur leurs préférences : pâté chinois, lasagne aux légumes et fromage, tourte au saumon, potages, tajine de poulet, sauce à la viande pour les pâtes, quiche, pizza. On est dans les glucides. Ces aliments semblent réconfortants et festifs jusqu'à un âge assez avancé. Des mots doux imagés seront même déposés sur chaque subsistance.



Ça me réjouit et m’amuse de préparer tout cela avec amour, en pensant à la cure de sommeil, de lecture et de soleil bienfaisant qui nous attend dans MON île. Mon père l’a dénommée Jasmine Largo. Cette perle en pleine mer, bénie des dieux, n’est que sable blanc, parsemée d’eau turquoise et de ciel violacé. Rien d’autre sur l’île. L’agente de voyage semble toujours surprise de ce choix, me rappelant qu’il n’y a RIEN à faire là. C’est tout à fait ce que je désire. Je veux marcher pendant des heures sans être dans l'ombre des immeubles hôteliers de dix étages où des homards à deux pattes se dandinent la bedaine près du bar, lustrés d'huile solaire, avec un thermos bondé de bière ou de pina colada. L’horreur suprême juste à penser être associée à cette espèce humaine.

J’aime lire, marcher, me baigner dans cette mer bleutée à perte de vue, à travers des poissons multicolores, et rencontrer Hector, mon lézard. Et dormir, marcher, lire. C’est thérapeutique et guérissant.

Je pars donc dimanche (me poussant de l’Halloween et ses sucreries) le 31 octobre et serai de retour le 8 novembre, gorgée de soleil et de vitalité.

mardi 26 octobre 2010

Mon 150 ième texte

Je publie ce matin mon cent cinquantième texte dans mes Billets de saison. C’est la cent cinquantième fois, depuis janvier 2010, que je réitère mon choix d’écrire. Envers et contre tous les REER possibles, envers et contre toutes les illusions de la sécurité, avec la solitude comme alliée. La décision fut laborieuse, mais à chaque occasion, j’ai plongé dans le bonheur d’être à mon clavier. Ce temps osé m’a propulsée dans un espace sacré, une dimension inexplorée jusqu’à ce jour. La bataille contre le doute s’inscrit immanquablement en dehors de cette zone.


La vie est matière à écrire. Vous avez bien lu, à travers les lignes et les mois, que le quotidien est une substance féconde et prospère pour la création. Tout au long de ce parcours de remise au monde, ce fut ma révélation : le processus créateur est omniprésent, dans chaque cellule, dans chaque parcelle de notre humanité. J’ai cru pendant des années que cette « chose » était issue d’un contexte mirifique, féérique, extraordinaire. Sur une montagne rocheuse, escarpée dan sun climat aride, de préférence, à l'autre bout du monde. Mais ô surprise, TOUT est là. Il suffit d’y accéder, mais surtout de se mettre à l’agenda. Ça exige du temps, de la patience, de la persévérance. Le pain exige sa durée pour « lever ».


Dehors, un magnifique brouillard rend le paysage ensorcelant, et cette particularité météorologique me fait prendre conscience que la brume du doute s’est dissipée, ce matin, la nature préférant m’inviter aux bienfaisances du monde intérieur. Je mets de l’ordre dans mes pensées, croise mes doigts sur cette quiétude, et savoure. Oui, c’est vrai, je savoure aussi mon thé sencha akai bio. Je réorganise mon horaire et mes dates de tombée pour mieux bénéficier des bontés du jour, pour mieux servir, puisque mieux disposée et efficace. Autrement.
Ce moment de quasi béatitude me permet de préparer mes ateliers que j'offrirai à partir de 2011.

IDÉES pour créer la vie que l'on désire : Imaginez, Désirez, Écrivez et Savourez
Un menu pour passer à l'action

vendredi 22 octobre 2010

Eaux troubles

Eaux troubles pourrait être le titre d'un thriller policier. Ce n'est pas le cas, je ne suis pas encore disposée à cette forme littéraire. C'est plutôt la une du journal local qui informe les terrebonniens de faire couler l'eau du robinet pendant quelques minutes avant de la consommer. Et cela arrive de plus en plus souvent, dans de plus en plus de municipalités, sans compter les moments où l'on échappe ce genre de données inquiétantes. J'ai cette impression amère que nos terrains sont de plus en plus corrompus par les conséquences inévitables des choix environnementaux de nos dirigeants. Et nous continuons de s'inscrire comme abonnés absents quand vient le temps d'apposer notre vote lors des élections, tous palliers confondus. Nous sommes très très occupés. Nous avons juste le temps de chialer sur les performances des joueurs de hockey autour de la machine à café. Pendant ce temps, des décisions se prennent, des gestes se posent, sous le vocable de l'économie.

Mais si vous ne voulez pas, un jour ou l'autre, dormir au gaz de schiste sur votre terrain labouré par les gazières appartenant à des compagnies extérieures au Québec, et que votre eau prenne en feu (!?!) , vous pouvez signer la pétition qui circule présentement. Vous n'avez qu'à cliquer sur le lien du blogue de Josée Blanchette, à votre droite, choisir son Billet intitué le moratoire, et suivre les indications.

Elle a raison. La marche bleue a déplacé plus de 800 000 personnes sur les plaines d'Abraham, au nom du hockey. Et en ce qui concerne notre santé, notre prospérité? Nous en sommes à nos premiers pas. On est au commencement du monde et il faut (déjà) nettoyer les lilas, chante Fred Pellerin.
On est au commencement du monde, sur une terre abandonnée. Nos idéaux sont sans royaume, tous nos soldats ont déserté. Et si l'on rentrait dans nos souliers..
À la vitesse à laquelle nous roulons dans la vie, avec la difficulté à s'arrêter pour sentir, nous risquons vraiment de s'endormir au volant. Les effets du gaz, c'est sournois et pernicieux. Et irréversible.



Voir: la vidéo diffusée à l'émission Découverte, Radio-Canada
www.radio-canada.ca/nouvelles/.../001-schiste-risques.shtml 

mercredi 20 octobre 2010

Les baguettes magiques du destin

Croit-on encore au hasard? Moi, parfois oui et souvent non. Il existe par contre des rendez-vous manqués, des intuitions obstruées, des risques lacés dans nos peurs et des baskets accrochés à la sécurité du connu. Il apparaît, dans les biographies inachevées, des tonnes de nuages détrempés de rêves endormis. 

Chacun de nous venons au monde avec des talents, des habiletés, un tempérament. C'est la suite qui est déterminante. Qui, de notre milieu familial et social, fera en sorte de permettre l'éclosion de tout ce potentiel? Qui, de nous devenus adultes, auront le courage de se recréer une nouvelle partition, au diapason de notre symphonie?

Je parierais n'importe quoi que le petit Jonathan sera un virtuose en musique. Pas uniquement à cause de son talent. Mais de son rire. Un rire du fond de l'âme qui dépeint le soutien de son entourage. Sous les crescendos de Beethoven se cachent des parents qui s'amusent, le regardent, ont la foi en ce qu'il est, et le nomment à travers toutes les possibilités que la vie offre. Ça respire la liberté d'être.

Ce sont les baguettes magiques du destin.

mardi 19 octobre 2010

La vie est cool

C’est le titre du livre de Neil Pasricha, recommandé aux membres du club de lecture d’Archambault, par Christine Michaud. Je lui fais confiance, elle a bon goût en matière livresque de croissance personnelle. Le premier chapitre amorcé, je souriais et m’amusais à envisager de mettre en pratique ces petits moments adorables que l’on piétine allègrement à travers les gestes sérieux du quotidien. J’apprenais alors à établir une politique de partage de la patate, qui concerne le droit de picorer dans l’assiette de l’autre pour lui extirper quelques frites, sans avoir sur la conscience d’en avoir commandé; la joie de retrouver une boîte contenant nos cassettes de musique préférée de notre adolescence; l’odeur enivrant du bon pain qui sort du fourneau; dormir dans des draps fraîchement lavés; se construire un hôtel au Monopoly sur les terrains rouges ou jaunes. J’étais entièrement dans l’ambiance.

J’ai donc mis mon tablier, et organisé les ingrédients pour faire un pain. Pendant que mes brassées de lessive avalaient la mousse, que mon pain était enfourné, que mon potage à la courge, au cari et aux pommes mijotait, j’ai eu l’idée de me faire un masque purifiant, à l’argile, qui agirait pendant ma rédaction. J’étais d’une efficacité incroyable, un fond musical de Buesta vista club pour accompagner le rythme. Tous ces travaux étaient à l’œuvre avant même que le réparateur de lave-vaisselle mette le pied dans la maison, quelque part au cours de la journée (ils ne peuvent absolument pas prévoir leur visite, ça se situe entre 8 h et 17 h).

Un texte prenait forme sur mon écran, et j’étais absorbée par mon sujet à en perdre la notion du temps, jusqu’à ce que la sonnette me rappelle à quel point c’est efficient « squatter » chez soi en attendant une livraison ou l’escouade des électros. Cet appareil, un Bosch suprême, que le vendeur m’avait vanté les mérites, à savoir que :

- ma ti’te madame, avec ça, là, là, vous toucherez plus jamais à la vaisselle. Vous êtes dans le haut de gamme, là, là, là. Mais là, là, attention, c’est tellement sophistiqué, qu’il vous faut prendre abbbbbbbbbbbbbbbsolument une garantie prolongée, car l’électronique, c’est ben ben compliqué si ça pettttttttttttttttte.
Voilà que cette dite logistique électronique, la minuterie, a enfreint les lois de la longévité prévue par le négociant à commission. Le lave-vaisselle ne s’arrêtait plus, déjà qu’il est en fonction deux fois par jour. (Et que, finalement, je touche souvent, très souvent même, la vaisselle.) Je vais donc ouvrir la porte au réparateur d’électroménager. En m’apercevant, son air terrifié m’a rappelé que j’avais oublié d’enlever le masque. Vert, vert, vert. En une fraction de seconde, j’ai eu peur qu’il suive les conseils du spécialiste des extra-terrestres, l'invité de tout le monde en parle la semaine dernière, et qu’il me tire dessus. Puisqu'il n'a pas dégainé, j’en déduis qu’il devait écouter la nouvelle chaîne dédiée aux gars, avec Jean-François Mercier.

Je lui ai expliqué le problème, celui que j’avais décrit à huit personnes des différentes compagnies (le magasin, la compagnie de l’appareil, la compagnie de la garantie, et finalement la compagnie qui s’occupe des cas de garantie). Il m’a dit que ça sentait bon, chez nous. Je lui ai répondu que la vie est cool et j’ai poursuivi la rédaction de mon texte. Le téléphone n’a pas cessé de claironner, de la dame qui réclamait un rendez-vous d’urgence, avec n’importe quel médecin (vous êtes au mauvais numéro, madame), jusqu’aux assurances pour ma fille qui a pris l’auto pour aller honorer son nouveau permis de conduire, en s'offrant un cappuccino, et qui est revenue avec la porte arrière cabossée, dans le stationnement, par un autre adepte de la caféine. Il y a aussi la tutrice de l’école de rédaction qui ne m’a jamais contactée depuis bientôt trois ans, et qui a donné signe de vie à ce moment-là. Voulant enregistrer mon texte avant de retrouver le dossier la concernant, je l’ai supprimé. La vie est vraiment cool.

Avec un air déconfit, malgré le fait que j’avais ôté mon masque, il m’a annoncé qu’il n’avait pas « la pièce », car ça n’arrive jamais un bris dans le genre ET que le tuyau devait être obstrué. Il reviendrait. Et je devais appeler aussi un plombier. Ma fille avait eu le temps de rentrer de ses cours, habituellement l’heure où j’ai à peine terminé de débarrasser le dîner. Voulant accélérer le processus de prise de crème glacée dans le congélateur, situé en bas de la section réfrigérée, elle a fermé avec vigueur le tiroir avec son pied. C’est le « crac » qui m’a fait me détourner du postérieur de Monsieur Bosch, accroupi qu’il était à remettre ses bottines. J’étais furax après la nonchalance cool de l’adolescence et lorsqu’il s’est poussé pour échapper à mon impatience, il s’est embourbé dans les baskets de mon fils, pointure 10 ½.











Pendant que j’attendrai le spécialiste du congélateur, le retour de monsieur Bosch, le plombier, je poursuivrai la lecture du bouquin La vie est cool. J'avance à pas de tortue vers la zénitude.

lundi 18 octobre 2010

Du Chili et des mines

Mine de rien, des milliers de travailleurs sont engouffrés dans les mines un peu partout sur la planète. L’événement tragique du Chili, que nous avons observé de notre canapé, les yeux mouillés, aura cette moindre compensation, celle de s’interroger sur les conditions de sécurité arbitraires accolées au métier de ces personnes.

Mine de rien, je suis profondément liée au peuple chilien. Juste à les regarder, je les aime. Du genre à souhaiter devenir amis. Peut-être que je dis cela à chaque endroit envoûtant que j’explore. Mais dans le cas du Chili, c’est pour y avoir débarqué et les avoir fréquentés un tout petit peu, avec la cordillère des Andes comme fond d’écran. Des souvenirs me reviennent: lors de sessions d’études à l’Université de Santiago où nous grelottions malgré toutes les pelures de vêtements possibles en espérant les pauses pour s’approvisionner de café fumant et le partager en dessous du chauffe-pièce, un seul pour toute la bâtisse. Aussi, au moment des randonnées en montagnes avec des guides charmants et hospitaliers, comme je n’ai jamais connu ailleurs. Ils arborent un sourire inimitable, empreint de bonté, de soleil et de mystère. Comme l’Île de Pâques. Le souper est pris vers 22 h, et leurs tapas de 18 h, accompagnés de Merlot, vous fixent l'ambiance chilienne au cœur à tout jamais.

Mine de rien, la remontée dans la nacelle de chaque mineur vers la lumière, est une démonstration éloquente du paradis. Revoir le jour – en retrouvant les siens - et être vivant. Une leçon de bonheur sur terre en images. Remonter d’une maladie ou d’un cancer. Remonter d’une dépression, d’un échec, d’un deuil. C’est ça le paradis. La joie d’être en vie, tout simplement et lucidement.

« C’est pour ça que le drame de ces 33 hommes nous a tant touchés. Nous sommes tous des mineurs chiliens. Nous avons tous une mine en nous qui nous enferme. Souvent, c’est la maladie ou un accident qui nous a bouché le ciel. Ça peut être aussi la pauvreté, l’angoisse, l’ennui, une blessure d’enfance, une errance, tous ces tunnels sans lumière. (…) La nacelle des Chiliens nous a tous remontés. Nous a sorti de nos drames, durant un court moment. L’instant de réaliser que le bonheur, ce n’est pas d’être au ciel, c’est plutôt, tout simplement, de pouvoir le voir. » Stéphane Laporte, La Presse, 16 octobre 2010
Mine de rien, je retiens la parole du Dr Philippe Sauthier, chirurgien-oncologue au CHUM, qui traite des cancers gynécologiques à longueur de journée. Ses propos sont tirés de la dernière chronique de la série portant sur le cancer, enquête menée par le journaliste Patrick Lagacé, dans la Presse du 16 octobre.
« Si vous voulez faire quelque chose, faites-le. Maintenant. On ne sait jamais ce qui arrivera demain. S’il y a un truc que j’ai appris en faisant ce métier, c’est ceci : la notion d’urgence de la vie. »
Mine de rien, mais avec toute la ferveur d’être ici, je vais ouvrir une bouteille de rouge, du Chili, et préparer un chili con carne. J’aime la vie et le Chili!

vendredi 15 octobre 2010

L'opéra au marché

J'ai découvert ce petit clip de l'Opéra de Montréal dans le blogue de Josée Blanchette. Des chanteurs d'opéra au Marché Jean-Talon qui nous ensoleillent de leurs voix. Un bijou, un éloge à la grisaille d'automne, un baume sur le coeur et sur la corvée parfois lourde des courses alimentaires, surtout quand le froideur s'acharne sur notre pays mal isolé. Moi qui adore les marchés, je suis aux anges. Merci Josée, vous faites ma journée!

Trouver toujours le fil de l'émerveillement, quoi que vous viviez, nous a appris Christiane Singer.
Bon week-end!

jeudi 14 octobre 2010

Faire simple, en ménopause?

Déjà que j'ai un talent inné pour le questionnement, le doute, que je me bats régulièrement avec Madame-parfaite-sous-toutes-les-facettes, imaginez l'effet en période envoûtée par les hormones.
Alors, pourquoi faire plus simple, quand on est en ménopause?


Une amie m’a prêté le livre de Francine Ruel, Maudit que le bonheur coûte cher. J’étais planquée à la maison, attendant (encore) le technicien de ma compagnie de service câblé, entreprise que j’avais contactée en haussant le ton et décrétant l’état d’urgence. J’étais à cran, déjà, avant que toutes les opérations normales d’une maison se mettent à disjoncter: je n’avais ni service téléphonique, non plus l’Internet, le lave-vaisselle qui ne s'arrête plus, un meuble à retourner au magasin, et j’en passe. Imaginez l’état des ados, sans branchement! Ils croyaient à l'apocalypse de 2012.

Puisque les membres des tribus de livraison et de réparation ne peuvent absolument pas nous signifier l’heure approximative de leur débarquement, je me suis donc calmé le pompon avec la lecture. Seule au salon, j’espère sans caméra, j’ai croulé de rire. Olivia, en pleine ménopause, est saisie par un tsunami de larmes à cause justement d’un électroménager qui ne fonctionne pas, pique une crise à un ami qui ne dit pas ce qu’elle aurait besoin d’entendre, ne comprend plus rien à sa vie. À retenir: l’autodérision a des vertus. Il y a une scène qui décrit sa rencontre avec son gynécologue. Cet exposé des états d’âme issu d’une tornade hormonale est digne de mention. Histoire de soulager les femmes aux prises avec ce démon intérieur, une copie devrait être affichée dans les salles d’attente des médecins.

« J’ai le thermostat déréglé à vingt sous zéro. Je passe du chaud au froid en quelques secondes. Ma vie est un calvaire, ma vie est un sauna. Je ne me comprends plus. Je suis agressive, et je pleure pour un rien. Je ris aussi pour un rien. Je suis tout le temps fatiguée. Je n’ai le goût de rien. Le matin, je me lève tellement dépressive que je mettrais fin à mes jours. En fin de matinée, je suis prête à trucider un passant, en début d’après-midi, je suis abattue et convaincue que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue. En début de soirée, ne vous arrangez pas pour me marcher sur les pieds parce que je ne réponds pas de moi, avant de me coucher, je tombe en pleine neurasthénie et je succombe à un doute terrible. Je me demande sérieusement si je dois me suicider en premier ou égorger la terre entière d’abord. Et le pire, le pire dans tout ça, c’est que j’ai une fille en moi que je ne connais pas, que je ne veux pas connaître. Elle tombe sur les nerfs de tous mes amis, de tous mes collègues, de tout mon entourage. Si ça continue, je vais me trouver seule en compagnie de cette folle. J’aimerais que vous fassiez disparaître cette fille. Un moment elle est paranoïaque, l’instant d’après elle est possédée, un peu plus tard elle est névrosée, et pour finir elle est complètement schizo. Je n’en peux plus. Même moi, elle m’énerve. Elle m’épuise, elle va me rendre complètement folle, si ce n’est pas déjà fait.

Je terminai ainsi mon monologue. Et je me rendis compte qu’en sa qualité de médecin il avait le droit de m’enfermer illico. Camisole de force et pièce capitonnée. Antidépresseur et douches glacées.

- Je vois.

- Vraiment?

- Je crois que vous êtes en ménopause. »
Me voilà informée sur l’influence possible des hormones, façon caricaturale bien sûr. Mais ça relativise les perceptions d’échecs, du « rien ne fonctionne », du « ça ne réussira jamais » , surtout lorsque la sensation varie d’une heure à l’autre, d’une journée à l’autre. Soyons bienveillantes envers nous-mêmes. La vie trouve toujours son cours. 

mercredi 13 octobre 2010

La danse, la rivière et l'art

Devant un tel spectacle, je lévite. Peut-être est-ce en partie pour soulager leurs pieds meurtris, mais je miserais plutôt sur une autre raison. Je suis ébahie devant le talent, certes, mais surtout estomaquée devant ce rythme acharné au travail, cette persévérance, ces cellules passionnées qui ne peuvent nous laisser indifférents.

Demandez-moi  ce que vous voulez, je suis prête à n'importe quoi, ou presque, pour assister à un spectacle de Riverdance. M'imaginer cramponnée sur un siège du parterre, devant Flatley et les déesses danseuses, rien de plus grisant. Le plus risqué, c'est d'oublier de respirer, d'avaler ou que mes mâchoires se décrochent. C'est de la haute voltige, dans tous les sens du terme.

J'ai déjà dû vivre en Irlande dans une autre vie, ou je me prépare à y aller.

Rien de moins que l'extraordinaire dans ce que peut réaliser l'humain.


lundi 11 octobre 2010

Happy Thanksgiving!

Je me suis réveillée avec la bénédiction que procure un soleil étincelant. Vivement que ce fût le congé bien mérité de l’Action de grâce, et que l'occasion me permette de souhaiter à tous ceux que je croise: « Happy Thanksgiving! ». Monsieur Bois vient finalement se délivrer de deux petites cordes qui s’envoleront au fil de la saison froide. Des saisons frisquettes, devrais-je dire, puisque l’automne a repris ses droits et exige des multicouches de vêtements qui me hérissent le caractère. Déjà, l’ours en moi commence son hibernation. Le frimas au sol me donne le goût de caserner dans une bibliothèque digne de celle d’Harvard, devant un feu, jusqu’au moment où les outardes reviennent à grands cris.


J’ai décimé l’offre de corder le bois et l’ai retournée aux bras masculins, me sauvant comme si je devais régler un achat impulsif qui nous expulse de la maison et oblige de regagner l’endroit du crime. J’ai préféré aller à la campagne pour nous goinfrer de victuailles truffées de couleurs : citrouilles, courges, potirons, variétés de pommes de terre m’accueilleraient à Saint-Esprit. J’en profiterais pour amarrer Aux Volailles d’Angèle, pour m’approvisionner de poulet et pintade biologiques issus de leur élevage.


Lorsque les enfants étaient plus petits, c’était LE rituel de ce long week-end d’octobre. J’ai des photos d’eux au marché de campagne qui ne veulent plus quitter l’enclos à lapins, brebis, chèvres, coq et porcelets, leur offrant nos provisions, pour grimper par la suite sur des bottes de foin, qu’évidemment je me procurais pour enjoliver le devant de la chaumière.

Le set up d’Halloween de rêve! Au menu, se gorger de citrouilles,   choisir ensuite les déguisements et les décorations. Tout ce branle-bas à nettoyer et ranger si peu de temps après. En guise de souvenances, des brindilles de foin éparses dans l’auto et des papillotes de bonbons qui se faufilaient un peu partout dans le territoire familial, ce qui a le pouvoir de transformer les enfants en monstres — nous de même). Une fois la fête terminée, je retournais au bureau le lendemain de l’événement, verdâtre et épuisée, prenant une grande respiration pour me préparer aux prochaines activités festives, les anniversaires à thème avec les amis, et l’apothéose, Noël.

Quelques années plus tard, non seulement ils n’ont plus de souvenirs, mais ils ne sont ABSOLUMENT pas intéressés, d’aucune manière, à venir en voyage au pays de l’automne, dans le village de Saint-Esprit. Heureusement, il n’y a plus de négociations ni de requêtes de friandises. On festoie avec les potages de citrouille, les biscuits à la citrouille, les tartes à la citrouille, et la compote à la chose. Cela procure un plus joli teint, version bêta-carotène, et limite la transformation de la façade de maison, version amish.


Qu’à cela ne tienne, j’irais toute seule, avec tout le temps que je voudrais bien m’allouer à remplir mon carrosse de cucurbitacées, appareil photo en main. En fait, il faut savoir prendre le large, étirer le cordon. Une rupture essentielle à l’évolution, nous apprend Suzanne Jacob, lors d’une entrevue pour Le Devoir, au sujet de son dernier livre, Un dé en bois de chêne. « Pour rendre le changement possible pour la famille, pour la communauté, qui forme un système qui, comme au théâtre, veut qu’on garde notre rôle, il faut partir, quitter la constellation ».

vendredi 8 octobre 2010

Un bouquet de films bleu pervenche (1)

Blanche, ma grand-mère du côté maternel, était une de ses artistes dont le vocable même était hors de question. Ces femmes avaient comme mission, désirée ou imposée, la « fabrication » d’une famille, façon tribale. Née en 1897 et mariée en 1917, la notion du devoir était de mise et choisir de s’affranchir de cet endoctrinement religieux était quasi impossible. De plus, les artistes étaient perçus comme des êtres diaboliques. Cachez donc les pinceaux, les toiles, les histoires ou les soieries qui serviraient à créer!


Cette génération a tissé notre pays avec la fibre de leurs rêves et habiletés inassouvis. De jour, Blanche se consacrait aux travaux de la ferme, les repas, la lessive et les grossesses. Elle a eu douze enfants. De nuit, elle composait des robes à partir de retailles ou de manteaux délaissés, tout comme son talent qui ne pouvait s’immiscer entre les tâches.

Ma mère me raconte que Blanche pouvait admirer une vitrine pendant quelques minutes, et le jour tombé, dessiner cette pièce de vêtement à main levée, pour ensuite tailler et coudre jusqu’au petit matin. Le chef d’œuvre annonçait le lever du soleil en même temps que le chant du coq. Était venue l'heure d’aller traire les vaches et nourrir la tablée avec ce qui était disponible.

La couleur préférée de Blanche était bleu pervenche. J’adore aussi ce pigment élevant l'âme, entre ciel et mer, entre fleur et étoile. Pour toutes ces femmes qui n’ont pu prendre leur envol talentueux, comme mon autre grand-mère Anna qui rêvait d'écrire, je propose un bouquet de films de personnages inspirants.


Un bouquet de films bleu pervenche, première partie, en hommage à celles qui nous ont précédées et qui ont débroussaillé les sentiers en friche les plus denses.


I ère partie
Les plages d'Agnès, de Agnès Varda
Ombre au soleil, v.f. de Shadows in the sun, réalisé par Brad Mirman
La tête en friche, de Jean Becker, tiré du livre de Marie-Sabine Roger
Lettres à Juliette, de Gary Winick
Miss Potter, de Chris Nooman
Le petit monde d'Élourdes, du regretté Marcel Simard, diffusé à canal Vie, Productions Virages 2010
Gabrielle Roy, de Léa Pool (2006)
Ce que mes yeux ont vu, de Laurent de Partila
 Les possibles sont infinis, Antonine Maillet
Moi, Van Gogh, de François Bertrand
Casablanca (1942)
The shop around the corner (1940)

jeudi 7 octobre 2010

Ne touchez pas à mon patelin!

Je me rappelle soudainement pour quelles raisons je m’étais désabonnée de la Presse. Je reçois ce journal en cadeau ce matin, ou en promotion, devrais-je dire, tel un bouquet de nouvelles tout aussi attristantes que révoltantes. Tout ça en avalant du pain aux bananes sans gluten et du thé « sencha akai » bio. Avouez que ça détonne!


J’apprends que des pourparlers sont en cours pour l’installation de pipelines (pour les gaz de schiste) qui traverseraient les champs de Saint-Édouard-de-Lotbinière, mais qu'au fond, c'est déjà décidé, Gaz Métro passera ses tuyaux. À l’unanimité, les citoyens de Saint-Pierre-les-Becquets, eux, se sont opposés à ce projet. Et qu’ont à voir ces deux petits villages dans ma tourmente, un morceau de miche pris au piège dans ma gorge? Ce sont les campagnes voisines de Deschaillons-sur-Saint-Laurent. De késé? J’ai grandi là, mes parents aussi et ils y ont encore pignon sur rue, entre les vaches et la côte qui descend au fleuve. Dans un recoin de mon cerveau, il peut survenir des tas de tragédies, on doit toujours avoir un plan de secours, un bunker contre les folies humanitaires, un refuge naturel parrainé, et moi, Deschaillons, c'est mon patelin qui repose en paix dans ma trousse de survie.


Lorsque j’y retourne, dans mon cœur naïf d’enfant, je suis protégée de la contamination, des champs d’ondes électromagnétiques, des catastrophes, des lacs où l’on cultive l’élevage du saumon avec de la moulée modifiée génétiquement à laquelle on a ajouté des pesticides, ayant comme résultat des cadavres flottants envahis par les poux de mer.

Lorsque j’y reviens, je désire marcher dans la forêt sans qu’elle soit corrompue par les gaz polluants. J’espère de tout cœur que les tomates de St-Pierre soient cuirassées des risques inhérents aux découvertes encore invalidées. Je ne veux pas de machineries lourdes qui usurperont le paysage et saccageront nos territoires agricoles. En étendant ses ramifications dans des coins tranquilles, les décideurs se croient loin des regards des médias et envahissent un espace sacré, les terres qui nous nourrissent.

Avec votre aura magnétique qui nous ferait faire n’importe quoi, monsieur Caillé, demandez-nous, yeux dans les yeux, malgré votre repos forcé, de contribuer à des fondations de recherche contre le cancer. Avec le taux de personnes atteintes, qu’on attribue en partie à des causes environnementales, on propose désormais à l’Office de la langue française d’y admettre un verbe. Je cancère, tu cancères, nous cancérons. Mon logiciel correcteur voit rouge, évidemment. Moi aussi.

Ne touchez pas à mon patelin!

mercredi 6 octobre 2010

L'alligator, mon ami

Je suis fascinée, une fois de plus, par la force de la nature. Nous agissons la plupart du temps contre elle, mais elle persévère à nous étonner. C’est en écoutant un reportage sur les alligators, que l’idée m’est venue, de faire de notre ennemi, un allié. Quand je réfléchis au concept d’ennemi, je ne parle pas du chasseur d’orignal ou d'un PDG d'une compagnie de gaz de schiste. Je leur laisse leur histoire sur la conscience. Je pense plutôt à nous-mêmes, genre humain, particulièrement enclin à boycotter nos élans, à ridiculiser les moments de grâce, à éteindre l’engouement de l’autre lorsque ses yeux s’illuminent de joie. Car, assurément, nous détenons LA vérité sur le qui, le quand, le pourquoi et la raison de s’émouvoir devant un événement ou une inspiration.


Mais voilà que je découvre l’alligator. Cet animal, un des plus vieux de la planète, vit dans un milieu reconnu pour être le plus toxique au monde. Il s’adapte à son environnement, aux changements climatiques, sa température interne s’ajustant à celle de l’extérieur.
Les chercheurs ont effectué des tests en laboratoire, en mélangeant dans une éprouvette des molécules du VIH avec du sérum sanguin de cette bête préhistorique.  En moins de douze heures, il n’y avait plus aucune trace du sida. L’ennemi, qui nous effraie juste à le regarder à l’écran, qui devient notre sauveur. Les recherches se poursuivent, à savoir comment nous pourrions transposer le fonctionnement intrinsèque de ce dinosaure, afin de nous approprier un mode de guérison.

J’ai décidé de me servir du modèle de l’alligator comme antidote à l’ennemi, soi-même, quand vient le moment de risquer d’être ce que l’on souhaite. Parions qu’en faisant une trêve, en sortant le drapeau blanc dans la zone de guerre de nos jugements, nous serions moins épuisés, quitte à arborer une peau de crocodile.

Et si on laissait quelqu'un nous raconter une histoire magique, juste pour aujourd'hui, juste pour sentir l'effet.

lundi 4 octobre 2010

Être vivant, en couleurs

Le plus exigeant le lundi matin, ce n’est pas de se remettre au boulot, quel qu’il soit. C’est d’apprécier ce qui est là.

Cette lucidité m’habite, car je suis encore ensorcelée de ma promenade avec mes amis sur le sentier du « P’tit train du nord », sous la lumière étincelante du soleil et d’une palette de couleurs qui rendrait fous de jalousie les crayons Prismacolor. Des bouquets d’ormes, d’érables, de chênes et de conifères faisant la fête, nous présentant d’exubérantes salutations avant l’hiver. Je prenais conscience de la force de la vie, sous toutes ses formes. Le cycle des saisons, la régénérescence des végétaux, de sa multiplicité.

Avec peu, être ardent, comme ce sapin qui s’immisce entre la brèche du rocher, s’agrippe, se taille une place avec le peu de « chance » apparent.


Fortifiée de cette vertigineuse puissance, je m’incline devant la nature qui renouvelle sans cesse son alliance sacrée avec les saisons.

Je souhaite vivement être guidée par les plantes et les étoiles et ne pas m’emmurer dans les distractions quotidiennes qui ont tendance à nous éloigner de l’essentiel.




En fait, je suis tout simplement reconnaissante d’être vivante, là, ce matin.

vendredi 1 octobre 2010

Le pouvoir de rentrer chez-soi

 Je me demande souvent, comme la plupart d’entre nous, de quelle façon contribuer à un monde meilleur. Vous et moi avons cette perception que le pouvoir appartient aux dirigeants, et ce, dans toutes les zones de gestion, et cette vision me questionne. Je sens, au fond de moi, que chaque être humain participe à se construire un lopin de terre de bonheur. Je ne connais personne qui se lève le matin en souhaitant être malheureux, aigri, en planifiant sciemment la destruction de son environnement. Si certains gestes en donnent l’impression, c’est que les auteurs sont mobilisés à réparer leur histoire, douloureuse s’entend.

Je parcours actuellement le récent ouvrage publié de Matthieu Ricard, Petite anthologie des plus beaux textes tibétains (Éd. du NiL). Dans une entrevue radiophonique avec Isabelle Maréchal, il déclarait ironiquement que la lecture de ses écrits ancestraux était plus efficace que l’ingestion d’un somnifère, aménageant un territoire nocturne paisible. Désolée de contredire ce moine bouddhiste que je vénère, mais dans mon cas, ce livre m’a plutôt éveillée dans tous les sens du terme. Confrontée à tant de beauté et de réflexion sur la vraie richesse de la vie, et constater qu’on a troqué cette sagesse pour une vision de consommation et de guerre de pouvoir, a provoqué un déficit de sommeil.

Je m’interrogais, aux petites heures du jour gorgées de pluie, à savoir comment avions-nous basculé en si peu de temps. Évidemment, je n’ai pas d’éloquentes réponses, mais plutôt des questions sur la façon de me réapproprier une place d'humain qui respecte « l’évolution ». Et là, une citation de Mère Teresa me cloue le bec.
« Que pouvez-vous faire pour promouvoir la paix dans le monde? Rentrer chez vous et aimer votre famille! »
Une solution abordable, organique, qui réclame toutefois de faire le deuil de certaines images de performance et de réussite. Car l’amour n’est pas coté à la Bourse. C’est un investissement dans l’ombre, avec des choix quotidiens qui exigent parfois le retrait d’une vie sociale plus flamboyante. Ça implique aussi de dépoussiérer mes croyances d’invincibilité et d’ubiquité qui sournoisement, m'a fait présumer qu’on peut être partout à la fois et tout faire, alors qu’on n’EST nulle part.

Ce week-end, je vais tomber dans les courges, joues empourprées comme les feuilles d’automne, et je m’amuserai à des jeux de société avec les enfants. J’en profiterai jusqu’à satiété, avec un bon verre de rouge, pendant que la maison nous embaumera de ses effluves de pot-au-feu. On festoiera sur le thème des cordes de bois livrées en allumant un feu de foyer, geste qui sera renouvelé lorsque l’hiver viendra, parce qu’on adore nous réchauffer l’âme. Il apparaîtra, à coup sûr, puisque tel est l’ordre de la nature. Et vivre avec les saisons, c’est aussi être partie prenante du rythme intrinsèque de la vie. Vivement rentrer chez soi!