jeudi 30 septembre 2010

J'accouchais!

On l’appelle toujours notre beau Laurent, c’est l’avantage d’être le plus vieux de la famille, ce qui indemnise un peu pour les inconvénients exigeants d’être l’aîné qui éduque ses parents afin qu’ils en deviennent de « meilleurs » au fil de la fratrie.


Il y a de cela vingt-trois ans, tee-shirt et salopette de coton, je me suis réveillée un peu lourde, voire pataude. Peut-être les trente-deux livres de surplus étaient-elles en cause, mais la température avait frôlé tout de même les vingt-six degrés la veille. Je ne peux me souvenir s’il s’agissait de couches ou d’autres articles pharmaceutiques manquants, mais je me remémore être allée tout doucement faire des courses pour terminer la « valise de départ ». J’ai pressenti que c’était le grand jour, à la quarante-et-unième semaine et demie de gestation, deux jours avant la date d’expiration déclarée par les médecins. Dire à quel point j’aimais ce bedon!

Les marchandes rencontrées au marché Jean-Talon me demandaient tout à tour quelle était le moment prévu de l’accouchement, étonnées de me revoir jour après jour. Moi, je nageais dans la béatitude telle une éléphante qui porte sa semence pendant près de deux ans. Mantras, yoga de maternité, respirations, lectures, visualisations, carrousel mélodieux au-dessus du berceau, tout baignait dans cette aura que peut engendrer la mise au monde. L’enfant céleste et sa mère étaient dans l’apothéose de la fusion, déjà surdouée de nature dans ce domaine.

J'étais inhabituellement calme. Nous sommes partis vers 16 h 30 vers Ste-Justine, afin de s’assurer qu’il s’agissait bien du « vrai » travail, car ça résonnait plus comme des « crampettes » que des contractions. Étant donné l’anxiété évidente du père, ils m’ont « gardée » et installée dans une chambre. Mon accompagnatrice (doula) et amie Ginette est débarquée dans un temps record, dotée d’une présence plus qu’apaisante. Dès cet instant, je n’ai plus vraiment été dans cet antre hospitalier, mais qu’à l’intérieur de chaque respiration, de chaque poussée qu’on me priait de retenir. Mon petit bonhomme voulait incontestablement voir le jour et réclamait sa venue, vigoureux comme un joueur de football. Le plus magnifique enfant du monde s’est déposé sur mon ventre à 21 h 20, triomphant de ses neuf livres et huit onces. Robuste détenteur de ses 10-10-10 au test d’Apgar, les infirmières étaient abasourdies de sa corpulence, bien dissimulée dans un « corps de ballerine », disaient-elles. Pourtant, à mes yeux, j’avais contre mon cœur un minuscule Bouddha!


 Mon beau Laurent, tu as grandi à travers les promenades au marché, à la campagne, les histoires de Babar, les cantates de Bach, les constructions de Lego, les premières touches sur mon clavier Mc Intosh 128 K, le collège, le football, et l’amour.
Tu enregistres désormais ton expansion dans tes études en physique, entre les labos de Mc Gill et ton nid d’amoureux. Des mutations des cellules, je ne sais ce que tu découvriras, mais tu demeureras toujours un chevalier qui sème le bonheur, la tendresse, la justice, et la générosité. Grâce à toi, j’ai perdu mes repères et étendu mes horizons en plongeant dans la vivacité de l’amour. Bon anniversaire, mon fils!

mercredi 29 septembre 2010

La tête en friche

J'en suis encore toute enveloppée ce matin. 
Je suis allée avec allégresse visionner le film hier soir, sachant d’avance que je serais comblée. Juste à voir la bande-annonce, juste à connaître la thématique, juste à imaginer le jeu des acteurs. Mais c’était bien au-delà de mes espérances. Ce film fera partie intégrante de mon bouquet de films bleu-pervenche, qui s’embobine tout doucement.


 La tête en friche laisse des empreintes sur notre cartographie d’amour. Cette poésie du geste, des regards, des répliques si percutantes, du lien profond qui se tisse à travers des lectures offertes par Margueritte (avec deux T) à Germain. Dans un décor simple campé sur un banc de parc, nous sommes conquis. Je me suis même réconciliée avec les pigeons, c’est vous dire. Sans dévoiler la finale, je vous jure que j’ai craqué devant ces mots organiques décrivant l’amour sous toutes ses formes. De quoi faire rougir la vision superficielle et kitch à la sauce « Occupation double ».

C’est aussi un livre à se procurer, à lire et à relire. Déjà inscrit sur ma liste de cadeaux.

La tête en friche, de Marie-Sabine Roger, Éd. le Rouergue

mardi 28 septembre 2010

L'écrivain doit vivre

Il n’y a pas que les écureuils tristes le lundi à Central Park de Katherine Pancol. Il existe le triste sort d’un écureuil de Terrebonne qui n’a pas survécu à son destin d’emmagasineur de noix. Tout a commencé parce que je retarde toujours le moment de faire rentrer au bercail mes plantes, l’automne venu. En particulier ma Loulou, car elle adore être dehors et qu’elle atteindra bientôt le plafond du salon à la vitesse où elle s’épanouit. Qui est ma Loulou? C’est mon végétal fétiche, qui m’a été offert par mon amie Louise qui demeure en face de chez moi. Celle qui avait des hommes sur son toit la semaine dernière. Un jour où j’étais très malade, elle est arrivée à ma porte avec ce magnifique arbuste, sachant qu’il serait une présence réconfortante dont j’avais cruellement besoin. Je l’ai baptisé Loulou, et tout l’hiver durant, il me procure un coin d’été dans ma maison. Parfois, j’entends la salsa de ses feuilles, certaines nuits d’insomnies.



Voilà le jour venu où je dois rempoter ma Loulou. Je sollicite mon chéri  pour aller chercher l’attirail, terre et compagnie. Il revient tout penaud dans la porte, ne sachant comment m’annoncer la chose, moi qui ai une propension aux mélodrames, possédant une sorte de gènes de téléromans québécois. Je lui demande ce qui me vaut cet air de feuilles rougies. Comme pour amortir le choc, il me propose d’attendre encore quelques jours pour accueillir Loulou, et réclame sacs plastifiés et détergents, ce qui me semble déjà louche. Je dispose aussi de chromosomes hérités des thrillers policiers. Je « monte au front » pour débusquer l’énigme. J’apprends qu’un écureuil s’est noyé dans mon pot-tout-neuf qui ornementera ma Loulou. Beurk! Cette bestiole venait régulièrement fouiner autour de ce récipient, que naïvement j’avais interprété comme la magie du destin. Il aimait mon nouveau réservoir à provisions, mais pour constater que, finalement, la curiosité et l’intrinsèque besoin d’amasser des noix lui ont coûté la vie. Comment Loulou composera-t-elle avec cette tragédie au moment où elle devra déployer ses racines?

Je n’ai évidemment pas rempoté ma plante. Non plus raconté l’incident aux enfants qui auraient proposé presque un enterrement au jardin avec crémation chez Urgel Bourgie. Ayant failli tomber dans les pommes en imaginant trouver le cadavre, et j’ai songé, pour la circonstance, inventer une cérémonie : « la cérémonie des pommes », à défaut de celle du thé. Ce qui m’a fait réfléchir aux multiples événements qui honorent le quotidien d’une maisonnée. Je me considérais décidément à mille lieues d’une zone protégée où l’écrivain est cloîtré dans son bureau pendant des mois, de préférence à l’extérieur du pays, dans un décor de bord de mer, débusqué de ces milliers d’émotions à la sauce familiale. Mais d’autres surprises m’attendaient. Une fois remise à mon clavier, cherchant des données sur Marguerite Yourcenar, pour un projet d’écriture, le Web me propulse sur une de ses entrevues portant sur « le paradoxe de l’écrivain ». Je suis alors pétrifiée devant le discours de Marguerite, qui déclare en grande pompe que « l’écrivain doit vivre ». Ça semble banal, raconté comme cela, mais détrompez-vous. Cette illustre écrivaine sait de quoi elle nous entretient : « le grand écrivain est intégralement en attention avec qu’il ressent, ce qu’il éprouve, est immergé de l’univers qui l’environne. Il utilise des millions de remarques qui ont traversé son cerveau à partir de petites sensations, des moindres détails. De l’anxiété, la terreur, dans l’éternuement, la fuite d’un danger, l’existence se révèle. Bref, l’écrivain doit VIVRE ».


Marguerite Yourcenar 1903-1987
 Me voilà quelque peu apaisée. J’ai la permission de poser un chapeau de créateur à travers les labyrinthites, les chicanes territoriales, les pâtés chinois réclamés, les fantômes de bas, les bulletins en mandarin, les factures à régler, les lumières au xénon à changer au garage, les brassées de lessive oubliées, mes vêtements disparus. Marguerite le dit, le moindre détail a une valeur d’extrême réalité. Toutes les sensations, petites et outrageuses, comme le décès d’un écureuil dans son pot à fleurs, seraient, selon Marguerite mon idole, de la matière à composter un récit. Immergée dans un environnement aussi vivant, Dieu merci, je suis choyée. Merci Marguerite.

lundi 27 septembre 2010

Le plan B

Je suis allée marcher à l’île des Moulins, à l’aube, et portée par la beauté de cette nature et de mes canards, j’ai poussé l’audace jusqu’à avoir chaud. Dans mon cas, c’est un matin glorieux, car je frissonne dès que le thermomètre descend sous la barre des chaleurs d'été, genre. Lorsque que je mets le pied dans un patelin de verdure où je m’époumone, je suis déjà heureuse, semblable à la première lampée de Gewurztraminer, un samedi soir avec des amis. C’est parfois si simple le bonheur, une fois rendu « dedans », quoiqu’il soit éparpillé dans les contenances les plus élémentaires du quotidien, ce qui est particulièrement déroutant : une promenade dans la nature, un bain d’huiles essentielles, un tajine de poulet aux olives qui cuit tout doucement pendant qu’on est plongé dans une histoire, la salutation chaleureuse d’un collègue en arrivant au travail. Ce qui est le plus facile mute en ce qu’il y a de plus laborieux à maintenir : ces petits gestes que l’on reconnaît comme bienfaisants, qui s’échappent au profit de la colonne des « to do for the future».


Cour de la maison de Virginia Woolf

 J’étais touchée par les propos de Guy Nadon, hier soir, à Tout le monde en parle, concernant le plan B. Il racontait avec émotions l’histoire de son frère devenu aphasique à la suite d’un AVC. C’est vrai qu’on ne peut prévoir de plan B, confronté aux événements dramatiques de la vie. On fait avec. Ce qui m’a fait réaliser, en marchant ce matin, que certaines choses deviennent si puissantes, à l’intérieur de soi, même si elles ne découlent pas d’une tragédie (quoique dans mon cas il y a eu un incident déclencheur), qu’il n’y subsiste plus de plan B. En ce qui me concerne, c’est la décision de me consacrer à l’écriture. Je suis consciente que je ne deviendrai pas l’auteure de romans épiques du douzième siècle, de deux tomes de mille pages chacun, avec trois cents personnages, comme Ken Follet, mais c’est un point de non-retour. Mes piliers de la terre se situent dans le cadre d’une maisonnée familiale de notre époque.

Une forme d’écriture qui sera mienne, certes, mais qui est omniprésente, comme une inquisitrice qui refuse de quitter le terrain, tous les prétextes en font foi. J’ai joué de l’escrime et usé l’artillerie lourde pour éviter ce choix qui n’est pas très orthodoxe, mais en vain. Elle exige que j’abandonne la zone de combat des comparaisons et que j’assume. Je n’ai plus de plan B. Il faudra que je fasse avec. D’autant plus que je viens de l’inscrire dans le cyberespace.

Bureau de Virginia Woolf






jeudi 23 septembre 2010

De princesse à reine

J’ai déjà écrit un billet sur le phénomène de dentisterie. L’article avait comme titre En voyage chez mon dentiste. Je racontais la foudroyante anxiété vécue avant de s’étendre sur cette chaise longue, tête en bas. Mon cher dentiste à la voix hypnotique, c’est le meilleur, sans aucun doute. Grâce à lui, j’ai de moins en moins peur de ces rendez-vous, (car nous simulons un départ en avion dans tous les plus beaux coins du monde, un différent à chaque occasion). La preuve, j’en reviens. Un simple ajustement de la facette de ma palette, Georgette, mais qui a exigé tout de même plus d’une heure « d’intervention ». Fier de son talent d’artiste, il a déployé un miroir loupant afin que je constate l’œuvre en question. Dans cette position, la seule chose que j’ai aperçue est le travail du temps sur mon visage. Quelle expérience! ai-je constaté, malgré la sagesse qui n'a pas tout à fait réussi à suivre la cadence. L’horreur! Je lui ai demandé s’il n’offrait pas aussi des soins esthétiques qui accompagneraient le sourire, pendant que de toute façon, on a la tête en bas dans ce siège techno. Eh non!


Toujours est-il qu’avec tous ces traitements buccaux, je possède un sourire de BMW sans la conduire. (Mon dentiste en conduit une, j’en suis persuadée). Et avec toutes les couronnes scintillant sur ma carte de crédits, la 24 (numéro de la dent) qui en exige une, prévue en novembre, je me déclare Reine. Mon tempérament et mon histoire de princesse vient d’upgrader au stade de reine ou d’impératrice, c’est selon la noblesse qu’on y accorde.

Étant donné que j’étais avec mon conjoint (on a les sorties de couples qu’on peut) qui subissait un traitement de canal en attente d’une couronne, nous leur avons donc proposé d’être invités au party de Noël. Puisque mon dentiste chouchou a adoré mes petites bottines rouges, je pourrais réinvestir l’achat et les porter à cette occasion, jouer la fée-reine-impératrice.

Question de budget, prière d’offrir des canapés sans gluten et sans crevettes, please!

Parlant de royauté, un article très intéressant à lire dans Châtelaine d'octobre 2010:
Oprah, l'impératrice
http://fr.chatelaine.com/reportages/entrevues/article.jsp?content=20100909_164645_9208

mardi 21 septembre 2010

Quitter les pantalons mous

La vie est risquée. Mon fils, celui qui avait perdu mon Word, a installé avec fière allure et voix de baryton, le nouvel Office 2010 (version française). Au comble de la joie, je l’ai valorisé dans tous les sens des poils de son duvet, car ma version en anglais me causait bien du souci. Comme la vie est un chantier perpétuel de risque, je n’ai plus accès à mon logiciel de révision Antidote. Très risqué. Dans le feu de l’action de l’écriture, je perds parfois toute notion corrective élémentaire. Ce qui m’inspire, dans cette notion de risque, ce sont les ouvriers qui œuvrent à refaire le toit de la maison de mes voisins. Moi qui aime tant l’énergie des chantiers de construction, qui s’apparente à celle d'une ruche à abeilles, eh bien là, j’en ai le vertige. Je vous jure que je vais fermer les stores pour ne plus les voir –mon bureau est devant la fenêtre, ce qui me prédispose à toutes les surveillances de la rue - car cela me déconcentre terriblement.



Ce travail de haute voltige, appliqué jour après jour, me les fait décrire en héros. En même temps, cela fait surgir en moi le concept des héroïnes de variations hormonales féminines. Certains matins, j’ai l’impression d’avoir chuté du dixième étage, alors que quelques jours plus tard, je plane sur les toits en jouant du violon (ou de la poésie, c’est selon). Comme ce matin. Après la chute libre des derniers jours, je suis ragaillardie de je-ne-sais-quoi. C’est ça le pire. Comme une voleuse, les œstrogènes t’attaquent pendant ton sommeil, te fait péter les plombs parce qu’il faut ENCORE préparer un repas, parce que tu n’as pas le temps de te faire un masque, que tes jambes sont sur le point de se rendre d’elles-mêmes chez l’esthéticienne pour l’épilation, que t’as oublié la brassée dans la laveuse et qu’il faut recommencer, que t’as l’air d’être en convalescence d’une grave intervention chirurgicale avec tes joggings plus mous que mous et ton bandeau pour retenir tes cheveux ébouriffés. Les œstrogènes dans le plafond, Billie Holiday, Ella Fitzgerald, Mônica Freire et Norah Jones réunies ne peuvent venir à bout de ce moral fracassé. Tu restes cloîtrée dans ta bulle des impossibles et persuadée que ta vie est finie, ratée, préparant quasiment un discours d’adieu. Et cette sensation s’acharne sur toi comme du Nutella sur les couteaux (que les enfants ne rincent jamais suffisamment et qui collent au lave-vaisselle).

Sans que tu détectes le geste qui changerait la trajectoire, à moins que ce soit le visionnement des Parents ou de La galère, tu ouvres l’œil du matin avec bonne humeur, sans courbatures ni boursoufflures. Tu enfiles tes jeans, quoique la taille soit encore un peu trop basse, mais tout de même, tu réussis à te vêtir selon un certain design, poussant l’audace jusqu’à mettre du rouge-à-lèvres couleur bouche-de-feu. Tu retournes les appels sans le trémolo dans la voix, tes dossiers reprennent du service sans simuler l’effondrement des tours du Word Trade Center. Comme par magie, les phrases s’alignent sur l’écran, et finalement, le projet d’écriture amorcé n’est pas à jeter aux ordures.

Au fond, nous sommes toutes des héroïnes de nos hormones. Depuis toujours, des femmes ont vécu (et écrit) avant moi. Je les laisse donc errer dans ma psyché. Elles m’habitent, et là je peux les entendre. Elles revendiquent leur place dans les gestes du quotidien et je m’immisce tout doucement dans les fragments de l’Histoire.

lundi 20 septembre 2010

Un peu plus magnifiée

Je suis un peu magnifiée, ce matin, du discours d’Anne Dorval, suite à son prix reçu lors de la 25 e cérémonie des Gémeaux. Touchante et vibrante, son élan de spontanéité m’allait droit au cœur. Quelle élégance verbale! Prenant rarement le temps de visionner ce genre d’émission télévisée, c’était un cadeau de croquer les quelques minutes avec Anne Dorval et Marc Labrèche. Leur éloquence, leur brillance, leur intelligence, leur exaltation, une fois de plus, me remémore à quel point notre Québec est peuplé de génies et de générosité. (Cliquez sur l'onglet Premier rôle féminin, Anne Dorval, par le lien qui suit)

Un geste d’une grande dignité en fait foi. Celui qui a dû se battre depuis plusieurs années, et encore aujourd’hui, pour faire reconnaître son travail, son talent, sa créativité, qui verse son cachet de publicité de St-Hubert à la fondation du Dr. Julien. On a de quoi s’incliner d’admiration devant le geste de Claude Robinson. (Voir le blogue de Josée Blanchette, La tête haute.)

Parlant d’exaltation, j’ai débuté mon premier cours de Qi Gong. Les huit mains sacrées, la posture de l’arbre, du tir du grand oiseau, tous ces mouvements à effectuer, à la vitesse d'une limace, sans oublier de respirer. Ça semble tellement simple. Détrompez-vous! La preuve étant que je n’arrive pas à détendre les épaules pendant que les hanches s’équilibrent, que j’oublie de respirer, tout ça en suant comme si je joggais. Une autre mentalité, opposée à celle des occidentaux, qui s’apparente plutôt à l’art de vivre. J’ai l’air d’une grue à la patte fragile. Heureusement qu’il n’y a pas de paparazzis dans les parages.

Ai lu : Le cantique des innocents, une nouvelle enquête du commissaire Brunetti, de Donna Leon, Éd. calmann-lévy, 2010

Ai raté : les 2 nouvelles recettes à la mijoteuse

Ai découvert : l’huile d’argan, du Maroc. Un baume sur notre peau qui en voit de toutes les couleurs. Cette huile, si on y ajoute de l’eau florale de lavande, nous amène au paradis avec une peau de bébé.

Ai écouté : Choisis ta vie et tu vivras, conférence de Christiane Singer. À réentendre en boucle. Cette auteure, dans la série de mes idoles, nous inspire à être, à vivre, plutôt qu’exister. Elle nous incite à devenir libres, à choisir le «vivant ». Dans la série des histoires récitées sur CD

jeudi 16 septembre 2010

Le temps des bas dodus

Bien que je sois du genre polyvalente, non routinière et adorant les surprises, je constate que la venue de l’automne m’amène dans une zone endeuillée. J’ai profité au centuple de l’été, mais la fraîcheur du matin me saisit de frissons. Je regarde béatement ma garde-robe, fouillant pour dénicher des tenues cocooning, ce qui me ferait absorber le choc frisquet. Mis à part les joggings, les ouatés, les vêtements mous, bref, je n’y déniche rien d’intéressant.


Je devrai m’y faire, car on vit avec les saisons. L’automne est particulier dans ce qu’il annonce comme une longue plage déclinante en lumière et en chaleur. Les nuits réclament donc d’être plus longues. Pourquoi ne pas s’ouvrir aux histoires de la nuit?

L’énergie n’est plus la même, il faut donc revisiter notre rythme, frôler des moments de répit et ouvrir les portes de l’imaginaire plutôt que celles de la véranda. C’est une invitation à plonger dans les livres, à se réchauffer au coin du feu, à se chausser de bas dodus et à écouter Louis Amstrong.

mercredi 15 septembre 2010

Du soutien des amis

Je crois que j’ai assez vécu assez longtemps pour me permettre d’abriter des contradictions énigmatiques — c’est Elisabeth Gilbert qui me l’autorise dans Mes alliances—. D’une journée à l’autre, l’état émotif et créatif est digne des variations de la Bourse. Ce matin, il me semble que tout chute, qu’il s’agisse des idées, de la forme, de l’optimisme ou de la foi. Hier encore, j’avais de la difficulté à gérer TOUTES les possibilités, à un point tel qu’il m’aurait fallu les quantifier dans un programme Excel. Mais là, la route est jonchée d’énigmes. Par où commencer? Cette idée de récit est saugrenue, ridicule, irréalisable et, de toute façon, personne ne s’y intéressera.

J’ai une propension au mélodrame dans ce type de circonstance. J’ai laissé la place au démon du perfectionnisme, le frère du doute. Je cherche donc des excuses pour ne pas m’attabler à mon écran : si j’écoutais Glenn Gould joue Bach, ou encore Petite messe solennelle de Rossini, tout reviendrait dans l’ordre. Évidemment, je ne détiens pas ces compilations, et à moins de bondieuseries, mon amie Édith ne se téléportera pas de Saint-Bruno pour venir à mon secours. De toute façon, elle m’éjecterait de mon catalogue d’angoisse et me dirait qu’il y a des jours comme celui-ci, et que c’est cela le cycle de la créativité, des saisons creuses et des saisons d’opulence.

« Depuis le début des temps, les femmes avancent. Elles s’ajustent, elles s’adaptent, elles glissent, elles acceptent. Leur malléabilité les rend puissantes, elle leur confère presque un pouvoir surhumain ». E. Gilbert

Autre excuse, des douleurs voraces au dos me concèdent une énergie d’automne, qui me donnent l’envie de retourner au lit plutôt que de travailler. Si j’appelais une amie, Sylvie, elle me dirait d’aller doucement prendre une marche; Mireille, elle, m’inciterait au repos; avec Ginette, on discuterait jusqu’à dénicher la peur qui se cache derrière tout ça; Richard et Benoît, quant à eux, m’inviteraient à dîner et à déguster un thé, tout ce qu’il y a de plus pragmatique et structurant (résiste jusqu’à midi ma belle, on arrive!). France, bien sûr, me rappellerait que le processus est en marche car JE SUIS à mon ordi à écrire! Avec Renée, notre échange viendrait à bout de n’importe quel blocage. Mon amoureux, inconditionnel partisan, m’inciterait à m’amuser, puisque j’ai l’éternité devant moi.
La notion de soutien est ce qu’il y a de plus précieux au monde. Toute réussite est tributaire de soutien, qu’il s’agisse de la famille ou d’amis qui sont là, juste au moment où la confiance vacille, lors de la traversée. Ce sont nos complices. Ils nourrissent notre talent et croient en nous. Ils sont généreux, car jamais ils ne vont diminuer le rêve d’autrui. Ils sont tenaces et présument de la méthode essai/erreur, ils sont loyaux et ont de la vision. Ils estiment le processus. Pour eux, cite Julia Cameron, un roman rejeté par les éditeurs « est simplement en attente de croiser la bonne personne » et ils nous ramènent à l’ordre en disant : « vois tout ce que tu as accompli ».

Nous avons la responsabilité de choisir nos amis, car ils sont un hectare de diamants dans notre cour.

Don't misunderstand me, écrite par Sari Dajani

mardi 14 septembre 2010

École et écologie

Dès que les enfants déposent un premier pied hésitant à la garderie ou à l’école, ils reviennent systématiquement traumatisés par le temps qui leur reste… Je ne parle pas des années d’instruction à subir, quoique certains acquiesceraient, mais plutôt de la panique transmise par rapport au sort de la planète. À noter que je suis tout à fait pour la sensibilisation écologique, la prise de conscience des gestes que nous posons, du fait que nous sommes fragiles et que notre planète a des limites. Je trouve tout cela important, voire primordial, mais c’est comme si la cible était mal choisie, ou le moment, ou la façon, c’est selon.

Mon questionnement est dû au fait qu’on leur parle d’écologie et d’environnement qu’intellectuellement et qu’en matière de désastre, de danger. Je me rappelle les grands yeux bleus de mon fils, au retour de la maternelle, me demandant quand nous allions mourir, car on risquait d’exploser d’un instant à l’autre.

Pour avoir œuvré dans le monde de l’éducation pendant environ vingt-cinq ans, je témoigne du fait qu’il était tout à fait loufoque de prévoir une sortie en forêt, dans la nature non « organisée », pédagogiquement parlant. On pouvait aller au Biodôme, à l’Aquarium, mais pas aller faire une simple promenade dans le bois. On aime la structure et le spectaculaire.


L’article de Jean Paré, École : le déficit environnemental, décrit parfaitement l’état de la situation dans la revue de planification stratégique de l’université de Sherbrooke. « Pour protéger ce qui nous reste de la nature, il faut l’aimer; pour l’aimer, il faut la connaître. Or comment le bambin d’aujourd’hui, promis dès le jardin d’enfants et pour une vingtaine d’années aux murs des institutions, souvent sans fenêtres, aux cours de récréation pavées et cernées de clôtures de métal et aux écrans cathodiques, pourrait-il connaître la nature? Les sorties pédagogiques? Elles sont à la cabane à sucre ou à la station de ski. Aujourd’hui, à six ans, on sait tout sur les pingouins, mais on n’a jamais été surpris par une perdrix. On mange de l’oméga-3, mais on n’a jamais goûté une truite fraîche qui glisse entre les doigts. On a vu la Biosphère, les agoutis et le capibara, même le T-Rex. Mais la nature est absente. Le showbiz l’occulte. »

Notre rapport à l'environnement est statistique. On nous rapporte des recherches annonçant le pourcentage de glaciers qui fondent, des donnnées actuarielles sur le réchauffement de la planète, les espèces en voie de disparition, les reportages choc qui nous bouleversent sur l'écran mais qui sont loin de notre cour. Dans la vie concrète, mes enfants quittent la maison ce matin pour une école presque sans fenêtres, et ont visionné, grâce à ma persuation, Le peuple migrateur, mais ne connaissent rien des cinq milliards d'oiseaux de la grande forêt canadienne, qui sont pour la plupart des oiseaux tropicaux en visite de migration. Mes enfants s'intéressent aux îles tropicales elles-mêmes et à l'airbus qui survolera dans le ciel pour s'y rendent.  Tout ça est typique de leur génératon à la pensée magique. Toutefois, je me préserve de sombrer dans le jugement de leur conscience environnementale.

lundi 13 septembre 2010

Modèles et mijoteuse

« Faites ce que je dis, et non pas ce que je fais », se rappelle-t-on lorsqu’on voit certains comportements de nos enfants. Le modèle s’impose au-delà de tous les discours remplis de grande sagesse. Alors me voilà, petit lundi désorganisé, après avoir loué les vertus du vendredi qui somment de préparer notre zone de travail pour le retour, se donnant ainsi l’impression d’être orchestré au quart de tour.


Je suis ébahie chaque fois que je retrouve, avec une lucidité post-congé, un tel état de ruines éparpillées dans toutes les pièces de la maison. N’importe quel détective à la noix – il y a même une noix de cajou sur le canapé — serait en mesure de décrire notre parcours tout au long du week-end. Vêtements, livres, papiers, découpures d’articles de journaux, recettes inspirantes et celles déjà englouties, post it nous avisant des événements primordiaux à venir, factures à classer, la planification des transports et rendez-vous, etc.

Assise devant le monticule de dossiers à ordonnancer, dans le but de me structurer pour mener à bien les projets de la semaine, j’ai utilisé mon outil préféré, la musique. J’ai tenté la harpe, je me croyais au paradis. La salsa, trop joyeux pour un lundi matin. Une mélodie destinée à la méditation? Je risquais la déprime. Je suis revenue à mon fidèle Glenn Gould. Il est toujours de bon ton. Ses variations Goldberg vibrent au diapason de tous mes états d’âme. Et pendant que je me réchauffe sur le clavier, le roman de Louise Penny, En plein cœur, celui dont je vous ai parlé vendredi, me clignote de m’y mettre, si je veux m’offrir la récompense de la lecture en fin de journée. Le parcours de cette auteure, digne d'un conte de fées, rédige aussi un blogue (en anglais) où elle partage chaque matin son vécu d’écrivaine aux prises avec ses personnages. Son superbe site est rédigé en français et en anglais. http://www.louisepenny.com/ et pour lire son blogue, vous cliquez sur l’onglet à la droite de la page.

(Je vous jure que son livre se déplace vers moi, il se glisse sournoisement vers mon portable, en poussant le dossier sur lequel je planche en ce moment. Ciel, les grands esprits seraient-ils de la partie? Ils veulent tellement que je prenne soin de moi, plutôt que de me culpabiliser chaque fois que je vois une joggeuse s'époumonner devant ma fenêtre, ou une femme d'affaires -en total contrôle- dévaler de sa BMW.)

Bon, ça suffit. Je me consacre au plan de formation que je dois élaborer. Mes billets prévus sur l’école et la nature, ainsi que celui sur le soutien dans la création sont consignés pour une autre journée.

Thème de ma semaine : mijoteuse. Pas rapport, men? Oui, woman, il y a le rapport à l’organisation des repas, et à la volonté de cesser de déraper vers 17h, la broue dans le toupet, pour concocter un mets digne de ce nom. Un livre m’est apparu, en effectuant des courses pour les lunchs des enfants. Je suis transportée à imaginer ses savoureux soupers simplissimes qui se préparent le matin, avant le boulot, et mijotent tout au long de la journée. Du nouveau dans la mijoteuse, de Beth Hensperger et Julie Kaufmann, publié chez AdA. Je suis littéralement tombée dans les pommes et les lentilles, les tout-en-un, les potages-repas tous aussi nutritifs les uns que les autres. Un livre à s’offrir et une idée de cadeau géniale. Demain, je prépare le potage saisonnier aux lentilles à l’indienne, à moins qu’il ne s’agisse du poulet entier à la lime et à la coriandre à la manière mexicaine. Excitée, vous dites? C’est presque Noël!

vendredi 10 septembre 2010

Vendredi, source d'inspiration

J’aime le vendredi. Il me donne des ailes, avec son impérative obligation de faire le bilan de la semaine. Il incite à regarder ce qui a été construit, et cache derrière son dos, le lundi, où se décalera la destination prochaine de production.



Le vendredi m’inspire. Son I devient majuscule, autour du classement des dossiers et de tout ce qui s’est inscrit à l’agenda et maintenant mené à bien. Il me fait saliver en pensant à l’osso buco qui embaumera la maisonnée, au film qu’on visionnera, source de détente et d’émotions, et enfin, à la promenade en forêt qui évacuera le trop-plein de stress. Le vendredi titille le farniente, en robe de chambre, thé fumant en main, un livre de l’autre. Bref, le vendredi me procure une sensation d’accomplissement à microdose, et m’incite à appliquer ce principe à plus longue échelle. On pourrait le définir comme étant une forme de bienveillance envers soi-même, s’expliquant par l’attitude à focaliser sur ce qui a été réalisé plutôt que sur la charge de travail à venir.

Inspiration :

Festival International de la littérature, FIL, du 17 au 26 septembre 2010. Pour plus d’informations : www.festival-fil.ca

Louise Penny, écrivaine de romans policiers traduits en une dizaine de langues. Jusqu’à ce jour inconnue du milieu francophone, cette ancienne journaliste de Radio-Canada qui a quitté son poste en 1996, en annonçant en ondes qu’elle souhaitait écrire un roman, a mis cinq années avant de vaincre son syndrome de la page blanche. « Un jour, j’ai compris que je devais écrire un livre que j’aimerais lire, (…) en lâchant prise sur l’idée d’écrire le meilleur livre jamais publié. À partir de là, la peur s’est envolée. » Maintenant établie à Sutton, ces histoires se déroulent dans un petit village pittoresque des Cantons de l'Est. Les Éditions Flammarion ont acheté les droits de traduction française pour ses livres. En plein cœur nous comblera de bonheur.

La tête en friche, un hymne à l’amour et à la lecture, à l’affiche vendredi 17 septembre. Le film est de Jean Becker, tiré du roman de Marie-Sabine Roger, aux Éditions Rouergue. 

jeudi 9 septembre 2010

Cartables et cartes de crédit

Admettons que la rentrée est assumée, entendre par là qu'il y a intégration d'une espèce de routine qui autorise les parents à imposer un couvre-feu, avant qu'eux-mêmes soient consumés de fatigue, et à réciter les valeurs nutritives des collations dès qu'une porte d'armoire de cuisine claque au son d'un sac de biscuits.

Entre deux tranches de pain (composé de milliers de grains raffinés, modifiés et transformés) en attente d'une confection de sandwich, je me questionne sur les frais et les revendications réclamés par le parcours scolaire en 2010. Diable, comment parviennent les mères monoparentales (qui ne cessent de s’accroître) à régler les exigences d’un panier d’effets scolaires (qui devient, d’année en année, plus exhaustif et onéreux), sans parler de la saga d’épicerie qui devrait être composée de denrées politiquement acceptables pour le jeune ET pour le Guide alimentaire canadien? Elles ont toutes mon admiration pour la traversée de cette route jonchée de sommations.

Le rôle du parent, dans notre culture, se définit par la capacité à déballer son coffre à outils afin d’offrir à son enfant les meilleures chances de réussir sa vie. Par contre, en observant lesdits paniers se goinfrer, et les scènes de chamaillage devant les étagères alléchantes de propagande, je me questionne sur notre aptitude à les rendre heureux si le mot de trois lettres – NON — demeure bloqué dans la gorge. Notre société de consommation, dont nous sommes tributaires, leur fait miroiter d’infinies possibilités, tout aussi irréalistes les unes que les autres. Les vêtements de marque, qui promettent l'intégration à la tribu, les nouveaux gadgets qui laissent présager une dose accrue de performance, ou pire, le risque d’être un vrai looser s’il ne possède pas le iPod dernier cri? Je fulmine chaque fois que je surprends la pub de Rogers. Ça devrait être interdit, cette pensée qui porte atteinte à notre intelligence : faut que t’ailles à la maison pour prendre tes messages? Ben voyons! (le rejet). Avec ça, t'es branché 24 h sur 24! (ce qui te bousillera probablement le cerveau, mais cette dernière partie, est de moi, bien sûr…)

Tous ces achats, à coups de programmation engendrée par la répétition des annonces, donnent l’impression qu’ils sont essentiels (puisque les enfants les réclament) et jalonnent les relevés de cartes de crédit, avec l’essoufflement comme garantie. Comment avons-nous survécu, dans notre trajet académique, sans ces centaines de cartables multifonctions, séparateurs, protecteurs (ces geysers de plastique qui gisent dans nos dépotoirs l’année suivante); ces ensembles de géométrie annuels, calculatrices scientifiques; ces cahiers de maison d’édition à se procurer pour chaque matière, en plus des frais de photocopies, de surveillance de dîner, de journées thématiques; ces voyages en Europe ou en Amérique du sud, voyages dits humanitaires et/ou instructifs, j’en conviens, mais qui valent un pesant d’or.

Diantre, où trace-t-on la ligne entre l’éducation essentielle qui facilite l’apprentissage, le développement des talents et habiletés, la réalisation de soi, et ce que laisse miroiter notre contexte social? Les propulse-t-on vraiment vers un avenir meilleur?
À titre d’exemple, si une élève de seize ans ne va pas en Europe, avec le programme organisé par son école, car il faut bien célébrer la fin des études secondaires (!?!), a-t-elle des chances de réussir sa vie malgré tout? Est-ce que tout se joue, là, tout le temps, tout de suite? Quelle place reste-t-il au désir, à la capacité d’attendre, de rêver, de s’affranchir de la masse?

mercredi 8 septembre 2010

Pour ou contre

Comme si je parlais de mon questionnement au regard de mon abonnement au panier bio à un correspondant de guerre en Afghanistan, je me sens complètement floue dans les débats actuels sur l’euthanasie.
Il m’est impossible de trancher.
Ce qu’il y a de sournois dans ces rassemblements de grands penseurs, c’est la volonté de légiférer - ce qui éliminerait toutes possibilités de nuances - sous le vocable des sacro-saints principes moraux. Pour ou contre? se questionnent-ils, avec l'insupportable inconfort du doute. Décrétons alors des articles de loi.

Lorsqu’on ne connaît aucun parent ou ami souffrant sur un lit d’hôpital, la mort rôdant autour, il est peut-être plus aisé de ficeler une loi sur l’euthanasie, du point de vue de l’argumentaire, s’entend. Mais voir un proche perdre sa fibre vivante, dans la souffrance, dans un contexte sans dignité, cela fait jaillir une option plus souple, voire décente. On ne veut pas de lois, on souhaite que les médecins puissent abréger les douleurs des mourants afin que les gens puissent se dire les vérités d’amour non dites jusqu’à ce jour. On rêve d'une prescription du respect de la vie jusqu’à ses derniers moments de retranchement et que ce passage soit lumineux.


On ne désire pas d’un autre combat ressemblant à celui sur l’avortement, les pro-vie (catholiques) et les pro-choix (c’est de ma vie dont il est question). Comment peut-on se déclarer pour ou contre? Difficile de faire sens s'il faut choisir un camp. Rien de plus saissisant que de le vivre, et choisir, pour soi et l’Autre, dans une virtuosité humanitaire du XXIe siècle. À force de débats conceptuels, notre liberté de penser risque de décaper nos âmes.

mardi 7 septembre 2010

De si belles épousailles

Un air d’union s’est déposé sur l’été 2010. Mes amies ont célébré leurs vœux de mariage dans un décor champêtre des plus bucolique. Perché sur la montagne, le lieu était prédisposé à bénir deux amours qui ont elles-mêmes bâti leur chaumière, avec leurs arbres, leur tracteur et leur passion.


Même si Dame météo a fait des siennes, ayant fléchi de quinze degrés en deux jours, histoire de se faire remarquer, le feu crépitant a tenu sa promesse de nous réchauffer, le temps que les mariées s’endimanchent. Devant ce halo de bonheur saisissant la montagne, l’émotion a déboulé dans tous les replis de notre cœur et de notre âme avec la fulgurante sensation que procure la sensation d’être aimé, d’être vivant.



Rien de plus touchant que d’être témoin de deux êtres qui osent s’engager légalement, devant des membres de notre tribu, des amis et la famille, avec toute la conscience affûtée de quinze ans de vie commune. Ce qu’elles sont magnifiques mes belles amies portées par l’amour! Même Guimauve, le chien, ne pouvait résister à cette énergie inspirante.

Nous avons chanté avec Soleil – oui, c’est son prénom- de toutes les couleurs et saveurs permises par les festivités.
Un pur délice! Les cuisinières et cuisiniers, amarrés aux fourneaux depuis le matin, et même la veille, ont honoré nos cœurs et nos papilles jusqu’à corroborer la générosité et l’abondance cellulaire des mariées.

Autour du mot épousailles, dans le Robert, se greffe celui d’époussetage. J’ai fait le lien avec la définition qu’Elisabeth Gilbert attribue à la cérémonie. « On dit du rituel qu’il est un cercle que nous traçons autour d’événements importants, pour séparer l’essentiel de l’ordinaire » — voire ici l’époussetage du quotidien. Elle poursuit : « Il est une sorte de harnais de sécurité magique qui nous guide d’un stade à un autre de notre vie, afin que nous ne trébuchions pas, ni ne nous perdions en chemin. »

Il faut avoir escaladé le chemin de montagne pour se rendre à leur maison pour savoir à quel point la route est lumineuse et protégée amoureusement par nous tous et par la Vie. Elles ont impérieusement osé l’amour, et nous avons été les témoins émus de cette magie. Gravitant autour de leurs alliances, je crois que nous sommes bénis.

vendredi 3 septembre 2010

Voir le monde au marché

J’ai habité le marché Jean-Talon, hier, dans cette jungle de fruits et légumes parfumés de boutiques aux mille odeurs et mille saveurs. J’avais avisé mes complices de voyage du fait que je devenais légèrement hystérique devant les étals de basilic, de courges, de cerises de terre, de mannes de tomates, exigeant un choix tourmenté face aux épices du monde et à l’ivresse des huiles d’olive.



Par-dessus le marché, on aurait juré que le thermomètre indiquait cinquante degrés, minimum. Les marchands semblaient déjà déshydratés, quoique tôt dans la matinée. Les victuailles, s’agrippant à nos bras au fil des allées, annonçaient un air d’auto cuisson. Mais puisque j’avais la fantaisie de la jouer à l’italienne, quoi qu’il advienne, j’ai poussé l’audace jusqu’à me procurer un moulin à légumes pour opérationnaliser une orgie de sauce tomates, de pestos, en finalisant l’excursion à la célèbre quincaillerie Dante. Équipée, me retrouvai-je, et exténuée. Comme si un orage électrisait l’hospitalité du personnel du magasin, habituellement si sympathique, mon éloge au regard de cette « institution » a échoué face à mes amis. Ni Stefano ni Elena présents pour nous stimuler avec leurs conseils.

C’est en se promenant dans les marchés que l’on connaît un peuple. Le nôtre se définit luxuriant, joyeux, et… agité. Un homme en fauteuil roulant, filant à toute allure, a semé d’injures Boucar Diouf afin qu’il « dégage » du chemin. Ce charismatique Boucar m’a dit, sourire en coin, qu’on ne peut être handicapé et imbécile à la fois. Je l’adore d’avoir choisi notre pays, de nous miroiter avec de si belles manières, nos sordides incohérences.

Ce coin de planète, toutefois, je ne l’échangerais contre nul autre. Je préfère nos routes criblées de nids-de-poule et de cônes orange aux bombes, et j’accepte avec véhémence l’inertie décisionnelle de nos ministres en échange d’une dictature où les femmes ne bénéficient d’aucuns droits et risquent leur vie à se promener seule au marché. Et même si mes plantes se meurent en raison de l’interdiction d’arrosage imposée depuis juillet, nous bénéficions de cet or bleu que plus de la moitié de la population mondiale rêve de s’abreuver.